Arrêtons de basher du Giallo.
Amateurs de Giallo, vous êtes sur la bonne critique.
La bande annonce :
LE film de l'année sur le Giallo contemporain ! Les premières notes résonnent, on retrouve "Genesis" du groupe électro Français Justice en fond. Visuellement : la trïade vert-bleu-rouge sur tous les plans de caméra, c'est estampillé "Giallo" ou je ne m'y connais pas. Des personnages malsains, du sang, et surtout : de l'art nouveau à en crever ! Que du bon. Mais, MAIS...
Le vif du sujet :
Le film démarre avec l'acteur principal laissant un message sur le répondeur de sa femme, son accent germanisant aurait pu ajouter un charme, même pas. Pour les premières secondes, c'est assez moche. Mais restons captivés, laissons le bénéfice du doute.
On découvre le décor de l'immeuble : de l'art nouveau. Ça dégueule de partout, ça en est surréaliste mais ça ne fait rien, on aime, on savoure.
La trame se lance et se maintient, une des protagonistes narre la disparition de son mari, on se retrouve en flash back sur les circonstances. C'est bien amené, on se laisse aller sur l'esthétique du film, on suit vaguement le polar, les plans sont superbes, les actrices faites pour ce film, ça roule.
Beaucoup de clins d'oeil au chef-d'oeuvre "Inferno" de Monsieur Argento, le fanatique est content, il plussoie.
MAIS :
Avec une bande annonce de Justice, on s'attendait à en prendre à la sauce Goblin moderne pendant 1h40. Que nenni. Vers le deuxième tiers du film, on se fait tabasser la gueule à coups de "bip" d'interrupteurs, on perçoit le stress, et surtout on s'énerve. Le spectateur critique se dit qu'il pourra utiliser cette émotion pour décoder l'engin ;essayez ! pour ma part ce fut vain. En résumé, les musiques sont assez dégueulasses, quand elles existent. On se surprend à penser qu'il aurait mieux fait qu'elles n'existent jamais, c'est parfaitement honteux...
Pour rappel, le propre du Giallo réside dans l'esthétique, à ce titre une esthétique sans musiques c'est un plan tourné dans l'espace pour moi, rien de plus. Argento a fait joué les Goblin et Verdi, ça, c'est du parti pris et ça galvanise avec brio le spectateur amoureux du genre. Alors une absence de musique, je retire des points.
Autre point : le scénario. Certes, le Giallo n'est pas fait pour amorcer une critique pure de la société, des valeurs, ou d'une idée contestataire. Je n'ai rien contre le genre Lynchéen, qui veut qu'on visionne le bazar 5 fois afin d'en saisir 10% du sens. Mais là... des longueurs, un manque cruel d'éléments liant les scènes, c'est n'importe quoi.
Je veux dire, si on veut regarder des scènes qui se succèdent avec incohérence, on a Inland Empire, mais en aucun cas on regarde un film dont l'essence est l'esthétisme... Citons un genre particulier de métrage esthétique : le clip ! Le clip, au moins, il est rythmé par la musique, à la base. Il est vrai que certains réalisateurs sont mauvais dans la sélection des musiques, je ne citerai que Gilliam (qui est pourtant l'un des maîtres que je vénère 2 fois par jours). Mais ce manquement est rattrapé par milles et unes subtilités qui rendent la plupart de ses films absolument géniaux. Ici, on est déçus. On a aussi certains courts métrages, avec le travail génial des frères Quay, mais là encore c'est succin ! Ça a le droit car c'est son code, et je le redis, NON, le Giallo n'est pas fait pour être obscure dans ce sens-ci.
Néanmoins, je laisse 7/10 quand même pour l'effort. Même si le paramètre "musique" et le paramètre "scénario" font défaut, je retiens le plaisir de constater qu'il y a des auteurs qui se risquent à ce genre qui est si facile à critiquer.
Oui, c'est kitsch, les personnages ont les capacités intellectuelles d'une huître, ça pue l'occulte, mais on aime parce que c'est le genre qui le veut. Comme aux films muets on taxe de surjouer, oui c'est vrai ça surjoue, c'est le propre du genre. Le Giallo c'est kitsch, ça réveille l'être lubrique occulte assoiffé de sang, du polar en teintes verte, bleu et rouge. Mais pour intégrer un univers pareil, on a une trame qui se s'étiole pas et des musiques qui ponctuent les moments majeurs.
L'étrange couleur des larmes de ton corps, c'est un Giallo atone, la petite soeur pas très jolie (mais gentille quand même) des divines Suspira, Ténèbres et Inferno d'Argento. Elle a un nom à rallonges qui se veut mystérieux et angoissant, elle aura juste le droit à un cookie.