Le giallo était un genre de film d'exploitation, souvent italien, à la frontière du cinéma d'horreur, du cinéma policier et de l'érotisme. Avec "L'étrange couleur des larmes de ton corps" on est bien dans l'hommage au giallo, mais version moderne, une sorte de mélange entre l'esthétique d'Argento, la complexité d'un Lynch, et un film-trip.
Autant le dire tout de suite, les réalisateurs ne nous caressent pas dans le sens du poil, bien au contraire, leur voyage "labyrinthique" s'annonce fascinant et éreintant.
L'histoire est pourtant simple : un homme rentre chez lui, sa femme a disparu, il veut la retrouver...
Mais dans ce film, rien n'est simple, au contraire. Les réalisateurs s'amusent à nous perdre, à nous faire mal.
Quasiment dépourvus de dialogues et de narration le film est surtout une expérience sensorielle et visuelle. Les deux compères jouent avec la distorsions des sons et les couleurs, jusqu'à nous perdre totalement dans un dédale d'hallucinations toutes plus dérangeantes les unes que les autres mais non moins fascinantes.
Ici, il n'est plus question d'horreur ou de fantastique au sens propre du terme, il est plutôt question d'une sorte de fétichisme de l'objet de la part des réalisateurs où l'horreur se retrouve dans un cri, une lame de rasoir ou bien un gant. Ce film-trip nous plonge dans un voyage suave et morbide, ou le porno et l'horreur s'entremêlent implicitement dans des corps qui saignent qui crient et qui jouissent sans différence. Les coups de rasoir et de couteaux sont filmés comme des pénétrations sexuelles, et les blessures renvoient directement au sexe féminin.
Oui on peut lui assimiler différentes influences, mais "L'étrange couleur des larmes de ton corps" est surtout un film à part entière et personnel, expérimental, un pur film d'auteur à la démarche arty totalement assumée. Il ne plaira pas à tout le monde, et il n'est pas à mettre entre toutes les mains, mais cette oeuvre est magistrale pour ceux qui lui laisseront l'occasion de s'exprimer entièrement lors du visionnage.