Certains films entrent, comme ça, sans prévenir, par la petite porte et finissent par ressortir à travers la grande. C'est un peu le cas de "L'événement", film choque primé à Venise. Sa réalisatrice nous parle d'une jeune fille, Anne, qui veut avorter dans les années 60, un délit à l'époque, un sujet que l'on veut taire. Ce portrait de la France est plaisant dans un premier temps car la remise en contexte est justement réalisée, puis car la reconstruction est réaliste. Dans un second temps, c'est sans concession que l'on découvre le quotidien d'Anne qui bascule suite à une grossesse imprévue. Dans un temps où seule la mention de l'avortement était taboue, on apprend à connaître un système qui n'autorise pas cet acte, aujourd'hui parfaitement légal et promulgué par Simone Veil en 1975. Le système de santé est du même camp que l'État, c'est à dire qu'il met tout en œuvre pour empêcher la pratique.
Anne, jeune fille insouciante et éprise de la vie et des rencontres amoureuses, bascule avec fracas dans ce tourbillon infernal, comprend que vite que son corps ne lui appartient plus et qu'elle est en prise avec les gens qui l'entoure. Quelques résistants croient au miracle, mais c'est presque seule qu'Anne doit se débrouiller. En faisant ce choix, elle apparaît non seulement comme une figure unique défiant l'autorité, mais aussi comme une fille courageuse qui encourage la libération des langues et la nécessité de rendre l'avortement légal.
"L'événement" est sanglant, non-académique et toujours filmé sans pudeur ni distance : le personnage subit sa grossesse. Au terme d'un unique plan éprouvant montrant l'avortement - capté par un plan séquence caméra à l'épaule - Anne ressort vide de sa séance bien particulière, possiblement sans son enfant (ce qu'elle espère) mais surtout vide de sens. Cet acharnement n'est-il pas vain, étant donné les risques encourus pour sa propre vie ? Lourd récit d'abnégation et de résistance, "L'événement" est un film que je vous recommande.
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