Des certitudes de l'inconnu.

Vouloir allier la culture et l'humour est une chose louable. Etaler ses certitudes sur l'inconnu en est une autre.
Si l' "Exoconférence" d'Alexandre Astier partait avec un à priori favorable c'est d'abord dû à la qualité du travail du bonhomme. Dans les Kaamelot en particulier où l'alliance de culture mythique et réalité historique se cotoyaient efficacement, portés par un humour de très bonne facture. Et si son précédent spectacle "Que ma joie demeure" était bien plus sectaire pour qui manque de culture musicale et historique sur Bach, il avait le mérite d'une mise en scène et de décors de haute volée, de même qu'une écriture ou le drôle alternait avec l'émouvant qui ne le rendait pas hermétique aux néophytes.
L'Exoconférence part d'un bon sentiment. Parler d'astronomie, d'astrophysique voire de voyages spaciaux dans un spectacle grand public et aborder la probabilité de l'existence de vie extra-terrestre est sur le papier super intéressant.
Mais là où le spectacle échoue c'est dans cette même démarche.
En effet, au lieu de questionner sur l'inconnu, d'amener le spectateur a ses propres conclusions, tout le spectacle repose sur des affirmations. Affirmations tout d'abord sur les origines de l'univers, puis sur tout les faits ou hypothèses liés à l'espace. Car tout le problème est là : l'espace c'est l'inconnu. Et si l'homme a développé une énorme quantité de connaissances sur le fonctionnement de l'univers il n'en est qu'au tout début de ses découvertes. En effet, des lois présentées comme immuables et absolues ne sont elles pas aujourd'hui remisent en question (ondes gravitationnelles, énergie noire, trous de ver...) ? Ne pensions nous pas encore il y a quelques années que Pluton était une planète? Savons nous réellement de quoi est né l'univers et la véritable origine du Big Bang présenté comme originel?
La vérité c'est que personne aujourd'hui et moins encore un humoriste aussi documenté soit-il (Alexandre Astier a rencontré des astronautes et des chercheurs du CNRS notamment), ne peut affirmer connaître le fonctionnement de l'univers et ses lois dans son intégralité.

Partant de ce constat il est difficile d'accepter les propos tenus par l'acteur de Kaamelot tout au long de son show. Rejeter les cosmogonies religieuses avec véhémence de même que la possibilité d'une espèce suffisamment développée pour en savoir plus que l'homme sur la matière ou le fonctionnement de l'univers est stupide tant notre ignorance sur les mystères de l'Espace voire simplement de la Terre sont grands.
Tout découle de cette incohérence. De tant de certitudes naît un sentiment gênant; celui d'être face à quelqu'un de hautain, ne doutant pas de ses connaissances ni de ses affirmations et refusant catégoriquement un point de vue sortant de ce mode de pensée (Qui dit que dans quelques années on ne pourra pas exploiter l'énergie formidable des trous noir ou découvert d'ici là la dématérialisation par exemple pemetttant des voyages inter-stellaires? Pour info des chercheurs travaillent sur ces thèmes en ce moment même). Et c'est exactement la même attitude qu'il caricature, dans son passage sur le cardinal recevant Copernic, une fermeture d'esprit limitant les possibilités et rejetant les hypothèses hors norme. D'ailleurs peut-être que dans quelques années les hommes regarderont ce spectacle en disant "putain qu'ils étaient ignorants à cette époque".

Ajoutant à ce sentiment, des blagues déjà vues, comme le scientifique bourré , ou la machine intelligente qui met des bâtons dans les roues de son utilisateur qui sont presque devenus des poncifs, et surtout une volonté de décrédibiliser l'existence alien en tournant en dérision des faits divers anodins, des transitions entre les scènes oscillant entre l'improbable, le bancal et l'incompréhensible (il se bat avec son escalier en mode Bioman? Pour combler le silence et le vide de l'univers on joue du Métal?) et on obtient un spectacle qui gâche son potentiel. C'est triste car on rit sincèrement par exemple sur sa critique de la sonde Pioneer et de sa plaque ridicule ou sur ses caricatures du clergé ou de la presse à scandale. Car il y aurait eu tellement mieux à faire connaissant le talent et vu les moyens de mise en scène déployés (les intéractions et supports visuels notamment) pour en faire quelque chose de mémorable.

Alexandre a sans doute oublié, oublié trop souvent l'humour au profit d'un cynisme permanent où lui même est contraint de signaler ses fausses blagues pseudo-mysogines ou pseudo-scientifiques, et surtout oublié ce qu'il demande aux spectateurs en toute fin de spectacle: regarder le ciel et son immensité. Ce simple fait lui aurait sans doute permis de de se rappeler que l'homme est loin d'avoir tout découvert sur son fonctionnement et sur la multitude de possibles qu'il représente. Un inconnu qui a inspiré les génies des temps anciens et continue d'inspirer les hommes d'aujourd'hui. Un inconnu qui est encore loin de permettre les certitudes absolues.