Produit par Columbia Pictures, adapté d’une histoire originale de Clarence Budington Kelland et réalisé en 1936, « Mr Deeds Goes to Town » fut l’un des rares films de Frank Capra à dépasser – même très légèrement – le budget initialement prévu. Il met en scène Gary Cooper et celle qui deviendra l’actrice favorite du réalisateur, Jean Arthur.
Semple, un richissime financier de New York meurt des suites d’un terrible accident de voiture durant ses vacances en Italie. Ses avocats dénichent alors le seul héritier de la fortune Semple : son neveu, un homme du nom de Longfellow Deeds, habitant de la petite ville rurale de Mandrake Falls, dans le Vermont. Les hommes de loi, de la firme de Cedar, Cedar, Cedar & Budington, se mettent en route sur le champ.
Arrivés à destination, ils font connaissance avec les locaux accueillants, avant de rencontrer Deeds lui-même, un grand gaillard qui écrit de la poésie sur des cartes postales et joue du tuba. S’il est d’abord surpris d’apprendre que son oncle, qu’il ne connaissait pas, lui a légué tout son patrimoine, le brave Longfellow décide de suivre les avocats à New York, où, pense-t-il, il pourra employer cet argent à faire le bien.
Après un voyage en train, l’agneau arrive dans la jungle de la grande ville, où règnent les escrocs et où les journalistes se repaissent des naïfs.
« Mr Deeds Goes to Town » est l’un des premiers films "humanistes" de Frank Capra – suivront notamment « Mr Smith Goes to Washington en 1939 et « Meet John Doe » en 1941, avec Gary Cooper et Barbara Stanwyck, dont les similitudes avec « Mr Deeds » sont nombreuses. L’on retrouve donc ici les éléments caractéristiques du style Capra.
Sa principale composante en est le personnage principal. Incarné par Gary Cooper, en qui Capra avait vu l’acteur idéal pour interpréter le rôle – quitte à repousser le début du tournage pour attendre qu’il soit disponible –, Mr Deeds est un grand gaillard (sa première caractéristique, son prénom : "Longfellow") un peu simple, mais non dépourvu d’un bon sens paysan qui lui permet de déjouer quelques arnaques grossières. Fondamentalement bon, généreux, Deeds est un homme entier, intègre, qui n’aspire qu’à vivre tranquillement.
À l’image de « Meet John Doe », Capra introduit ici un personnage féminin, une journaliste désabusée à la plume acérée et à l’esprit vif, dont la relation avec Deeds démarre sur la tromperie – elle signe les articles au vitriol sur le pauvre homme tout en devenant son amie. C’est Jean Arthur qui joue ici le personnage, lui donnant un caractère complexe et une grande classe. L’actrice campe une reporter indépendante, fière et farouche, qui compose d’ailleurs avec George Bancroft un très bon duo.
Chose intéressante, le film n’est que rarement accompagné de musique, ce qui donne plus de force à l’histoire que l’on nous raconte, bien que son absence se fasse parfois ressentir.
Avec « Mr Deeds Goes to Town », Frank Capra entame sa période humaniste, dénonçant ici via le personnage de Gary Cooper l’avidité, la bêtise et la méchanceté des hommes tout en diffusant son message positif sur le vivre ensemble et la générosité. Le film est bien joué et bien construit. C’est un peu gentillet, mais jamais niais, et au final, c’est une belle histoire. Et puis, si cela fait lever les yeux de son écran à un ado de 14 ans pas cinéphile pour un sou qui décrète après le film que c’était "bien" et "pas si vieux", je n’en demande pas plus.