Voici un réalisateur qui a très bien compris comment procéder pour que l'on s'intéresse aux personnages de son film. La recette n'est pas des plus compliquées : pas besoin d'exploits invraisemblables, ni d'émotions exacerbées. Non, tout simplement commencer par poser le personnage principal, ici une sorte de mastodonte introverti, vieux garçon de 40 piges reclus chez sa môman mais doté d'un cœur gros comme ça. Ensuite, accrocher l'attention du spectateur par des petits détails, des petites choses qui font le quotidien de ce personnage afin que l'on puisse en quelque sorte le "cerner", le comprendre.
Ainsi, nous découvrons Füsi - tel est le nom de ce doux géant - dans ses habitudes journalières : avaler le matin un grand bol de céréales au chocolat arrosé de lait, prendre soin d'une maquette de la bataille d'El Alamein qui occupe tout le salon, écouter du métal seul dans sa voiture face à la mer et profiter d'une grande assiette de nouilles asiatiques dans un resto Thaï tous les vendredis soirs. Une petite vie sage et bien ordonnée à peine contrariée par les amours passionnés de sa mère avec son nouveau chéri. Une façon de présenter le personnage principal dans sa trivialité et sa dimension obsessionnelle qui n'est pas sans rappeler celle du gentil préposé aux pompes funèbres d'Une Belle fin paru l'année dernière.
Le décor étant ainsi planté, l'évolution du personnage -véritable sujet du film- devient intéressante. Et celui que l'on perçoit dans un premier temps comme un individu semi-autiste et inadapté à la vie sociale (et ne parlons pas d'amour) s'avère au fil des scènes beaucoup plus riche et complexe que les apparences ne le laissaient supposer. Les personnages secondaires, eux-mêmes complexes et imprévisibles, rendent à leur tour cette histoire de vie passionnante : les collègues de boulots de Füsi sont détestables mais finalement très humains, le chéri de sa mère est un opportuniste mais c'est lui qui contribue à faire bouger les lignes, la nouvelle amie de Füsi est forte a priori mais cache en fait de grandes fragilités.
La mise en scène enfin, qui raconte cette histoire avec beaucoup de pudeur, sans effets de style ni coups d'éclat sert au mieux tous ces personnages à l'image des passages musicaux qui sont d'autant plus réussis qu'ils ne sont jamais gratuits et n'ont pas pour fonction de forcer notre émotion.
Un film particulièrement humain qui alterne subtilement moments d'humour- nombreux-, et moments dramatiques et qui respecte l'intelligence de ses personnages autant que celle des spectateurs.
Un film que je recommande grandement.


Personnages/interprétation : 10/10
Histoire scénario : 9/10
Mise en scène / Réalisation : 9/10


9/10

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le 28 mars 2016

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Theloma

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