Délectable est la rugosité des lignes, leur nature anguleuse laisse apparaître en filigrane les esquisses préparatoires, du moins les grands traits jetés au crayon. Ce désir d'éloignement de la perfection parfois aseptisée du traitement numérique en 3D ne vaut pas pour sa seule posture, il ne procède pas d'un quelconque snobisme mais bien d'une réelle nécessité formelle : fondre un Tati claudiquant dans les Hébrides pluvieuses ne peut se formaliser qu'avec heurt et sinuosité.

Moins hachée, la symbiose de ces deux êtres abandonnés, lâchés sans amarre, est bouleversante. Tatischeff quitte famille et Paris pour l'Ecosse, la jeune Alice son île pour la capitale scottish. Ils coupent tous deux les cordons qui les relient à leurs attaches, à leur aliénation également. Se reconstituant un petit nid commun dans un hôtel miteux, ils (ré)apprennent à se servir d'eux-mêmes sans se sentir morveux. De cette reconquête identitaire de deux personnages, Chomet et Tati ont l'habilité de ne pas en rajouter et d'essaimer quelques touches de burlesque visuel – pas de mot, les dialogues se cantonnent comme toujours chez Tati à quelques borborygmes quasi-inaudibles – et de situations absurdes des plus efficaces. Pour tout dire, le dernier Tati se mesure avantageusement aux précédents.

Boudpu
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le 26 juil. 2010

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