"Je veux un duel au soleil...tu es le soleil contre moi..."
Vacances, baskets, short, torse nu et mat des bains de soleil prodigués, sexe exposés, belle petite plage discrète au bord du lac scintillant et la forêt de pin derrière…le décor est planté pour un thriller amoureux, sulfureux et surtout sensuel et torride.
Une légende du coin dit qu’un silure (grand poisson d’eau douce qui ressemble un peu à une anguille géante) hante les bas-fonds de ce splendide lac trop paisible…
Dans ce petit monde d’apparence idyllique, il y a les habitués qui viennent chaque jour. Eric, en short de l’OM de Marseille, qui tient son poste tous les jours dans les bois, la main au panier, regardant tout les hommes qui passent d’un regard suppliant. Puis il y a Franck, un habitué un peu particulier : un habitué saisonnier. Et enfin, l’étrange Henri, un quadragénaire obèse qui ne fait pas de naturisme, ne drague pas, ne se baigne pas et reste à l’écart. Il veut "juste parler", "juste être là, près de l’eau". Parallèlement, il y a Michel qui arrive, son opposé : bon nageur et bel Appollon bronzé, tout en muscle.
Franck tombe sous le charme mais doit attendre son tour, Michel est déjà occupé dans les bois. Le soir, de loin, Franck aperçoit les deux amants éphémères jouer dans l’eau à se couler. Le malheureux élu de Michel ne remontera pas à la surface. Devant ce spectacle rilkien (à la fois beau et terrible), Franck s’éloigne comme s’il ne se rendait pas compte de ce qui venait de se jouer sous ses yeux, plus précisément ; comme si la beauté, tant de l’homme que du paysage avait entravé toute considération morale. Et puis la voie est désormais libre pour se fondre dans le corps de ce bel inconnu et il n’aspire au fond qu’à cela.
La beauté rend aveugle (la luxure aussi)…c’est donc ce que nous dit ce film sauvage.
La noyade crépusculaire apparaît comme un fait divers dans ce petit paradis hors du monde et hors du temps. Paradis qui est bien doté d’une éthique mais d’une éthique uniquement sexuelle. (Franck-entre deux ébats- ne peut finalement s’empêcher de donner au pervers des bois qui passe son temps à s’astiquer en mattant tout les couples, ce qu’il désire le plus au monde : son corps). Il défend aussi le pauvre homme contre ceux qui le rejette. Pourtant il ne peut s’empêcher de coucher avec le diable…
L’inconnu du lac, malgré toute sa libération sexuelle apparente serait-il discrètement moralisateur?
A y regarder de plus près, dans ce film à l’esthétique superbe : ceux qui ont un corps dont la sensualité est étouffé (Henri et l’inspecteur), se trouvent être ceux qui sont du côté de la justice et de la vertu, à l’inverse de ceux qui sont dôté d’un fort sex-appeal (Franck, Michel, quelques autres hommes) sont tous, non seulement dans ce que Kierkegaard appelle "le stade esthétique" mais aussi dans des travers : un atavisme meurtrier pour Michel, une sorte de corruption passionnelle qui aveugle un sens de la justice le plus élémentaire pour Franck, l’addiction sexuelle, strictement exclusive du laid, pour d’autres…
Nous pouvons donc raisonnablement laisser la question ouverte, il n’empêche que le sperme qui jaillit et les nombreuses caresses intimes ne suffisent pas à étouffer la solitude des personnages.