Après the housemaid auquel il est fait allusion dans ce film censé se passer dans la même famille des années après le drame, nous revoilà enfermés avec les riches décadents. Contrairement aux avis généraux, ce film m'a imposé sa vision avec force. Les décors: jamais d'extérieur sauf à travers les vitres des véhicules que conduit Young-Jack homme à tout faire de la famille, d'un intérieur à un autre intérieur, enfermement, mais la demeure, moderne, luxueuse est inondée de lumière, jour et nuit, rien n'est caché, ni la corruption, ni les turpitudes, les baies vitrées, murs, sols et plafonds brillent comme des miroirs où chacun se reflète en permanence, ils ne font face qu'à eux-même, ils n'ont à craindre aucun jugement, les seules relations avec le monde extérieur sont des valises de billets qui voyagent. Immense demeure brillante, escaliers, balcons, ils ne prennent jamais leurs repas au même endroit, où qu'ils soient dans le bain, au lever, ils ne sont jamais seuls, aucune intimité, il y d'ailleurs des caméras cachées par "la vieille bique", dépossédés de vie privée, ils ne possèdent plus rien comme le dit le père. Young-Jack les observe, scrupuleusement obéissant et loyal, comme au zoo, d'une pièce à l'autre dans ce labyrinthe de miroirs. On est dans la cage luxueuse des fauves, aux 1ères loges, ils vont et viennent, dégustent leurs vins coûteux, se laissent aller à leurs débauches ou élaborent des plans fructueux, s'entre-déchirent ignorant dédaigneusement les bêtes en liberté, leurs priorités plus viscérales, étrangers à toute autre valeur que l'argent. D'ailleurs, le salaire de notre héros, des liasses de billets est entassé entre un miroir et une fenêtre, l'extérieur visible mais hors de portée et son propre reflet renvoyé en permanence. Les évènements cruciaux de la vie sont mis en parallèles avec un écran de cinéma, les sentiments, les émotions appartiennent pour eux au monde de la fiction, les enfants du fils divorcés dont ils ont obtenus la garde, mais qu'ils traitent avec indifférence n'apparaissent que devant un film, Young-Jack ayant été confronté à l'imminence de sa mort se retrouve devant un écran où une femme est étranglée. De même, c'est à travers la surface de l'eau qu'on voit le président se couper les veines. Magnifiquement filmée, cette succession de pièces closes, de trajets en voiture, de reflets et de parois lumineuses donne une sensation d'étouffement et de vertige à la fois. On ne respire pas librement et on est emporté dans la spirale de cette violente dépendance, cette ivresse clinquante, vers l'enfer, la dépossession de soi, le dégoût. Contrairement à Housemaid, Young-Jack osera crier: il y a cette scène, la seule en extérieur, bord de mer avec tout de même la présence de fils électriques où il prend une dérouillée, filmée de très loin, avec humour et distance, comme si c'était le point de vue de l'argent. Et la fin, surprenante, l'évasion, des toilettes d'un avion à la rencontre avec des barreaux aux Philippines, un clin d’œil humoristique, décalé: au fond du cercueil, l'argent est toujours là! Mais cette fois l'eau coule, il pleut.
J'ai été embarquée dans cet univers parfaitement construit, avec classe, peut-être que les personnages sont caricaturaux, que les affrontements et les dérives de cette classe supérieure Coréenne ne sont pas toujours crédibles, le trait est forcé, mais ce n'est pas important, le film s'impose comme une œuvre finie, homogène. Tout est là pour nous faire partager la vision du réalisateur, ses émotions à travers la lente dégradation des êtres, rongés par l'ivresse, étrangers au monde, privés de vie, ignorants la liberté. Le film a semblé vide, sans scénario, peut-être faut-il se laisser faire, il y a un cheminement personnel, une évolution, les émotions suintent à travers les surfaces policées. Eh oui, le propos est simple et martelé, l'argent est une drogue qui isole de l'humanité et prive l'être de sa liberté.

boomba
9
Écrit par

Créée

le 26 août 2017

Critique lue 393 fois

boomba

Écrit par

Critique lue 393 fois

D'autres avis sur L'Ivresse de l'argent

L'Ivresse de l'argent
MentheFraiche
3

Pas de finalité…

Certes, on en convient, l’argent ne fait pas le bonheur. Mauvaise nouvelle, ça, on le savait déjà… Dire que certains tuent pour éviter de passer pour des cocus ou encore que la corruption est monnaie...

le 21 déc. 2012

5 j'aime

L'Ivresse de l'argent
DelSpooner
5

Critique de L'Ivresse de l'argent par DelSpooner

Le nouveau film de Im Sang-soo raconte les travers de la bougeoisie coréenne, comme dans son précédent long-métrage The Housemaid. On y suit une nouvelle fois l'histoire des membres d'une famille...

le 7 févr. 2013

3 j'aime

L'Ivresse de l'argent
DanielOceanAndCo
3

Critique de L'Ivresse de l'argent par DanielOceanAndCo

En fait, à bien y regarder L'Ivresse de l'argent peut être vue comme une suite spirituelle à l'excellent The Housemaid du même Im Sang-soo, peut être même que le premier est encore plus beau...

le 5 déc. 2021

2 j'aime

Du même critique

Altered Carbon
boomba
7

Thriller intemporel sur décor de SF

Je suis allée au bout de la saison 1: si j' m'étais arrêtée aux 3 ou 4 premiers épisodes, ma critique et ma note auraient été bien plus amères. Mais il faut lui reconnaitre ses qualités, c'est une...

le 6 févr. 2018

44 j'aime

14

American Gods
boomba
7

Orgie antique déjantée

Eh bien voilà: je suis arrivée à la fin de cette saison, affamée de dévorer la suite. Pourtant, au long des épisodes, mes sentiments ont été mitigés(et le restent, un enthousiasme brillantissime, une...

le 23 sept. 2017

27 j'aime

4

Blade Runner 2049
boomba
9

Ici, le cimetière des éléphants

Est-ce un hommage, un dernier hommage à tous les dieux et les géants engloutis par le nouveau millénaire et dont il ne subsiste que des fragments de mémoire vacillante sous des cloches de verre? 2049...

le 5 mars 2018

26 j'aime

4