L'Obsédé
7.7
L'Obsédé

Film de William Wyler (1965)

C'est le hasard qui me fait découvrir ce film. J'ai cru par ignorance que c'était le Voyeur et qu'il y avait eu une mauvais traduction. Ben non, pas très différent dans le procédé, mais éloignés dans le sujet. Deux films qui au-delà de leurs qualités et de leurs époustouflantes réussites artistiques, sont dans un registre bien différent. L'histoire n'étant en aucun cas comparable. J'ai fais l'amalgame, je le défais.

C'est l'histoire d'un employé de banque qui a gagné aux paris sportifs. Se retrouvant en possession d'une coquette somme il décide de mettre à l'oeuvre son projet. Funeste projet, dérive sensible, perte de repère, morbide manque affectif, paroxysme du sentiment d'abandon, dérive sensible, la vie est faussée. Il traque une femme, finit par la kidnapper, puis la séquestre dans la cave. Son but est qu'elle finisse par l'aimer, qu'elle s'intéresse à lui. À l'origine un grand désordre affectif. Il vit reclus, rechigne le contact aux autres, et ne masque que trop mal sa timidité. La jeune femme qu'il kidnappe se montre hostile du début à la fin, ce qui fait que la fin n'est pas sans reste de drame.

Le personnage principal, joué par l'immense Terrence Stamp, est un personnage assez antipathique. Il vit en marge, ne parle à personne, attire la risée. Durant le film un flashback nous dévoile l'origine de sa richesse. Dans la scène, sa tante arrive à la banque où il travaille. À ce moment là ses collègues le raillent en faisant voler des papillons autour de lui, rient en coeur. Quand sa tante lui amène son courrier, il vient de gagner 70000 livres au football. L'argent n'est pas son but, c'est la cause, celle qui va déclencher chez lui son oeuvre, lui permettre de mettre à exécution son plan de l'amour. Il collectionne les papillons, ce qui témoigne d'une certaine attention, sensibilité, regard sur la nature, un intérêt pour les belles choses, mais montre aussi ce désir de femme, de les posséder, les séquestrer, les collectionner.

C'est cependant une recherche assez complexe qui le pousse à cela. Il se comporte comme un gosse? Il sautille dans les champs, il saute de murets en murets, il fuit comme un enfant ayant fait une bêtise, il est vif et ment assez mal, son embarras et sa timidité sont équivoques. Cependant son plan est établi et même si la fille lui dis que c'est un comportement de jeune pré-pubère, Freddie est un paradoxe. Sensiblement un enfant, dans la réalité, quand il n'est pas seul c'est un adulte et se façonne à la société, il coule, il se laisse glisser en gardant sa rancoeur pour lui-même. Comme lorsqu'il débat avec sa prisonnière et qu'il lui dit que ses amis ne l'accepterai pas. Il ne se revendique pas de la société et en démonte les modèles. Il lui reproche de croire qu'elle connait la souffrance.

On ne sait pas ce qui a pu le pousser à cela. On discerne cependant un manque maternel, mais aussi affectif. Son désir et ses besoins adultes le poussent vers des femmes. De même que la pression des moeurs et des codes (comme le mariage ou l'hospitalité) le motivent. Il cherche une stabilité et une présence affective. D'ailleurs je ne spoilerai pas, mais la fin est surprenante, je ne m'y attendais pas et donne une dimension gravement horrifique. Terrifiant, troublant. J'oserai presque le passionnant. On veut en savoir plus sur lui. Il fait de la peine, on rejoindrai presque sa cause. La société le rejette, sa façon de se comporter, en dehors de son penchant collectionneur, rebute. Il est seul au monde, une sorte de monstre de Frankenstein.

C'est une sorte d'expression de nos terreurs en ce pauvre Freddie. Nous sommes tous en lutte pour un accomplissement, un épanchement de nos craintes. Lui en est une symbiose paroxystique. Son expression se trouve dans une situation de désordre émotionnel couplé à une logique prédatrice. Il finit en fait par "machiniser" son action. Mécaniquement il développe un processus d'exécution de l'affectif. Il n'est pas en recherche de lui-même et il ne se rejette pas comme il est, ne se sens pas dans l'erreur, tout légitimes son action pour lui.

Freddie est assez étrange et en fait son univers, sa personnalité est un grand paradoxe. L'entièreté du film est un paradoxe. La réalisation est virtuose le cinéaste sachant adapter l'angle à la recherche d'évocation. L'image sobre est efficace et l'étrange longueur de plan évoque un regard omniscient de notre part. Nous savons tout, nous sommes témoins de ce qu'il se passe. Mais que faire? Au final cette fille ne cherche pas à le connaitre, il la traite bien. Non c'est une erreur et heureusement les sursauts de Freddie le rappelle. La musique est une vraie réussite. Carrément intrigante, très perturbante.

En définitive ce film est une très bonne découverte, je suis tombé dessus par hasard et j'en suis soir chamboulé, très étonné. Une telle figure de l'amour, un regard de l'invasion, une limite, la possession ne peut être complète, nuancer, la volonté est la clé de la vérité.
TheDuke
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le 7 juin 2013

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TheDuke

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