L'Opinion Publique reste l'un des films les plus méconnus de la carrière de Charles Chaplin, et sans doute l'un des moins représentatifs de son Art : véritable drame débarrassé de toute forme de comique burlesque, duquel la figure du vagabond Charlot se trouve littéralement effacée cette rareté demeure en fin de compte assez secondaire, presque anecdotique en comparaison des grands chefs-d'oeuvre de Chaplin.
Succédant au bouleversant The Kid tourné un an auparavant L'Opinion Publique ressemble pratiquement à un film de commande, proche du long métrage professionnel mais impersonnel. Charles Chaplin, disposant d'un budget conséquent, fait pourtant la part belle à une singulière sobriété... rendant hélas son drame sophistiqué redoutablement plat voire inconsistant. Tout ceci reste toutefois très correctement réalisé, mais l'on a bien du mal à déceler la touche chaplinesque d'un bout à l'autre de cette comédie mondaine sans grand caractère.
Car si le cinéma de Charles Chaplin parle à tout un chacun c'est probablement parce qu'il a presque à lui seul inventé une poésie burlesque intrinsèque à son personnage de clochard endimanché. La plupart de ses films demeurent immédiatement identifiables par la seule force d'une séquence, d'un geste, d'une trouvaille visuelle : il y a bien sûr la danse des petits pains de la Ruée vers l'Or et le combat de boxe des Lumières de la Ville mais également le charabia originel des Temps Modernes ou la scène du barbier du Dictateur... Or la discrétion stylistique et poétique de L'Opinion Publique lui insuffle une humeur tiède suscitant une indifférence notoire, laissant davantage penser à une production convenue et conventionnelle qu'à une oeuvre typiquement ancrée dans la filmographie de son auteur.
La dimension intimiste mâtinée de scrutations sociales fait moins penser à du Charles Chaplin qu'à du D.W.Griffith, de la même façon que l'utilisation récurrente du montage alterné. Un film propre mais terriblement décevant de la part du réalisateur de The Kid, à peine sublimé par la présence de la grande Edna Purviance déjà présente dans le film précité. A voir pour se faire un avis.