Avertissement : ceci n'est pas une critique. J'écris juste un texte, une réflexion en lien avec le film. Une manière de bifurquer ou d'approfondir, c'est selon.

Pour celles et ceux qui me connaissent, même de loin, sur le forum général d'Allociné, savent que j'arbore depuis quelques années maintenant un avatar représentant un panneau de signalisation indiquant une place pour personnes handicapées ou une facilité d'accès.

Ce pictogramme de la circulation, sur fond bleu, représente un individu en chaise roulante (ou un type qui lit un bouquin dans son rocking-chair, ou quelqu'un qui a un gros popotin si bien qu'il s'en sert comme d'un ballon sauteur pour se déplacer, ou encore plus philosophiquement, un être seul assis sur le monde).

La réponse à la question dépend du sens que nous avons du panneau... et je dirais qu'elle dépend encore plus du sens que nous avons du "handicap" (oui, j'utilise des guillemets et j'espère que le sens de ces guillemets sera déduit naturellement dans les consciences dans quelques secondes).

Ainsi, s'il est de mon avis, j'aurais mon alter ego en face de moi. Il se pourrait même que j'en fasse mon interlocuteur favori, comme ici face à Dumont, pratiquement en tête-à-tête. S'il me présente ses difficultés dans sa vie, dans la vie de tous ses personnages, s'il me présente des besoins et des envies, je serai son reflet - ce qui n'a en soi que peu d'intérêt en terme de complémentarité.

A l'inverse, s'il donne un sens au handicap, un sens précis j'entends, mon interlocuteur non seulement se trahit mais il se prive d'une partie majeure de la communication qu'il entretient avec moi. Double handicap. Il crée sa propre dictature, une imposture intime. C'est ce qu'il nous arrive très souvent : de voir un moi chez l'autre et de ne recueillir comme informations tout ce qui correspond à nos propres expériences. Voire il n'est fait que cela. L'autre n'est jamais accessible. Le choix entre "favoriser le doute" et "favoriser une interprétation" n'est jamais possible du fait que nous avons nos propres expériences.

Je suis quelqu'un qui doute naturellement et je ne blâmerai certainement pas ceux qui abusent, comme moi, des interprétations !

La notion de handicap intervient dans cette inaccessibilité de communication que nous avons face à l'autre (d'où le pictogramme de l'handicapé)... et c'est la même inaccessibilité que nous avons à l'intérieur de nous-mêmes. Ainsi j'estime qu'il ne me sera jamais permis de refléter une pensée sans qu'elle ne fut traduite par mes sens. La plus grande que je puisse développer dès lors est l'adaptation (puisque je ne choisis rien). Le voilà peut-être l'handicap suprême qui fait, d'un seul coup, d'un seul, que tout invalide du corps ou de la pensée devient un être parfaitement égal. J'ai tendance à penser, comme Von Trier a pu l'évoquer dans Idiotern, que, du fait de leur expérience d'invalidité concrète et victimant, une personne atteinte d'un ou plusieurs handicaps reconnus socialement et économiquement, cette personne-là devient un interlocuteur suprême, en plus d'être un marqueur social et du développement humain.

Prendre conscience de ce handicap est déjà un bon début dans l'appréhension de l'autre, tout comme ce travail qui se forge en moi en ce moment même. Alors oui, le handicap est un facteur essentiel dans ma vie dans la mesure où il n'existe pas une politique engagée autre que celle de l'égalitarisme, dans la mesure où le choix politique est illusoire et où, surtout, je ne peux suivre que ma nature d'être. D'ailleurs, tout le monde est sous le coup de cette loi du corps unique pour une pensée multiple. Certains comme moi ne comprennent peut-être pas tout dans leurs rapports humains ou dans leur manière d'appréhender la vie tout simplement. Ce constat très simple leur sera peut-être plus facile d'accès, voire ils l'ont fait bien avant cette considération pour le handicap. Pour les autres, il n'y a d'autre façon de faire et de produire que ce que nous sommes - et non que ce que nous semblons être - et elle se situe peut-être ici la grâce de l'humanité : dans le manque, dans les no man's land intérieurs - le manque d'être me semble être une capacité de l'invisible. Puis je leur suggère, à ces autres, sans censurer leurs capacités, de revenir à cette question du handicap, pour voir s'ils ont compris les guillemets du début.
Andy-Capet
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le 27 mai 2013

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