Un trip de 1h50 dans un monde où les femmes sont formatées pour devenir des épouses parfaites et des machines à gosses, ça vous tente ? Là est le grand point fort du film de Martin Provost. L'immersion dans cette époque qui semble si absurde aujourd'hui est très réussie, qu'il s'agisse des thématiques abordées ou des reconstitutions (mais que c'est beau ces costumes d'antan). Rien n'est laissé de côté, qu'il s'agisse de la révolution féminine, du mariage forcé, du code vestimentaire ou de l'inévitable question de l'homosexualité.
C'est au beau milieu de ces thématiques profondes que se baladent nos 3 protagonistes hautes en couleur : une Binoche hautoritaire mais intérieurement fragile, une Moreau sous LSD et last but not least une Lvovsky en roue libre adoratrice de De Gaule et excitée de la gâchette. Un trio parfait qui apporte son lot d'humour au film (principalement Moreau et son air flingué) mais aussi un soupçon de drame. C'est Juliette Binoche (mais qu'elle est magnifique, c'est fou) qui tire son épingle du jeu en incarnant une ménagère torturée, pensant d'abord prodiguer les bonnes doctrines mais doutant finalement de ses propres convictions, en plus d'être torturée à la fois par le souffle révolutionnaire de l'époque et le retour d'un amour perdu.
Les 3 actrices illuminent toutes les scènes où elles apparaissent, accompagnées d'un solide casting d'élèves voulant en découdre avec le concept débile des écoles ménagères. Le tout est solidifié par la réalisation de Martin Provost qui, grâce à des plans longs mais simples et spécialement teintés, crée une ambiance rappelant les bons vieux films français des années 70-80. Un régal pour les yeux.


Mais il y a un ventre moue. Le film tire en longueur, exactement comme les vieux films qu'il essaye d'imiter. C'est certes ponctué de moment drôles et de rebondissements, mais ça ne va jamais plus loin. Aussi, les décisions ou réactions de certains personnages n'ont parfois aucun sens et plombent le récit.
On aurait aussi pu croire à tort que le film serait une comédie légère avec son lot de scènes comiques où les jeunes filles apprennent à prendre la poussière ou à couper la tête d'un poulet, mais il s'agit là que de 30% du film. Le reste est principalement focalisé sur les amourettes des personnages, à savoir les 2 lesbiennes et Juliette Binoche qui entreprend des poursuites montagneuses avec Edouard Baer (on sait très bien où ça finit ensuite).
Et surtout, SURTOUT, c'est quoi cette comédie musicale pétée à la fin du film ? C'est certes thématiquement fort, culotté et pas trop mal foutu, mais ça n'a absolument rien à faire dans ce film. On ne flanque pas du La La Land dans une comédie-drame historique qui se voulait réalistique durant quasi tout son déroulement. Et vas-y qu'on nous balance des séquences ou les filles montrent leur culotte ou réclament le droit à la pilule. La cerise sur le gâteau ? Juliette Binoche faisant gesticuler ses bras comme une taré tandis que la caméra monte vers les cieux et... générique ?! Qu'est-ce à dire que ceci M. Provost ?


Bon troçon historique, La Bonne Épouse reste efficace comme oeuvre culturelle parsemée de moments franchement drôles et tendres. J'ai néanmoins une préférence pour son cousin helvétique L'Ordre divin de Petra Volpe, bien plus direct et percutant mais tout autant drôle et touchant (jetez-y un oeil, c'en vaut le coup). Mais l'on aura néanmoins pas de scène d'antologie où une jeune pucelle affirme ne pas avoir de vagin. Ça, ça n'a pas de prix !

MonsieurNuss
7
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le 3 nov. 2020

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MonsieurNuss

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