J'entretiens des rapports conflictuels avec le cinéma d'horreur. Tombée dedans tardivement à 12 ans et le plus involontairement du monde avec un Scream dont la scène d'ouverture m'avait terrifié et la suite fascinée, je lui dois parmi mes expériences cinoche les plus consternantes (Martyrs, Saw) comme les plus enthousiasmantes (Les Autres) et certaines assez indescriptibles (Calvaire).
Mais comme beaucoup d'autres domaines (en cinéma ou en littérature) parfois considérés comme des "sous-genres", c'est un univers que je trouve infiniment riche, capable de provoquer les réactions les plus diverses ("Carrie" de De Palma est un film qui m'a profondément déprimée et attristée quand les "Scream" m'ont fait mourir de rire et que "Les Autres" m'a retourné la tête).
Et ce qui est génial avec The Cabin in the Woods, c'est qu'il m'a rappelé tout du long pourquoi j'aimais ce cinéma. Tout en y alignant ce qui peut m'y insupporter le plus. Au fil d'un scénario extrêmement bien construit, Whedon et Goddard transforment les clichés en tropes, justifiant narrativement toutes les embûches classiques des films d'horreur.
D'ailleurs, évacuons tout de suite une crainte bien naturelle : vous n'avez pas besoin d'être ultra calé en horreur sur pellicule (ou fana de la team Whedon / Goddard) pour apprécier "The Cabin", qui évite de tomber dans l'écueil d'un film par trop auto-référencé, voir même trop référencé tout court. Car au fond, si les clins d'oeil à des titres spécifiques du cinéma d'horreur abondent, ils sont plus visuels que narratifs. De fait, ne pas être une encyclopédie vivante du genre ne vous fera manquer aucun des fou-rires offerts par "The Cabin..." tant que vous connaissiez simplement le principe de ce cinéma très codifié. Etre vaguement conscient de la structure narrative maintes fois répétée des films d'horreurs suffit largement à jubiler de bout en bout.
Et tant qu'on parle de structure, évacuons autre chose : la campagne marketing a raconté n'importe quoi, tant le scénario n'est pas construit autour d'un twist mais en paliers progressifs vers une Vérité qui ne fait que se solidifier, se confirmer. N'attendez pas de grande surprise narrative, d'autant plus que ça ne gâche rien au plaisir, qui habite le film du générique d'ouverture (premier grand bon sur mon fauteuil) à la conclusion parfaite.
Formellement, le film est tout aussi brillant, bourré d'idées de mise en scène, de plans géniaux d'images folles. Il donne furieusement envie d'être revu pour tenter de chopper les détails qui nous ont forcément échappé au premier visionnage, voir d'être récupéré en version pirate pour le plaisir de pauser certaines scènes et de les regarder image par image.
En somme, The Cabin, c'est tout ce que Scary Movie aurait du être, aurait pu dire, c'est un bijou d'humour tragique et d'intelligence qui ne se prend pas au sérieux. Oh, on peut bien sûr voir une certaine dénonciation de notre rapport à la violence (notamment dans la dernière image formidable d'horreur, de drôlerie... et de bêtise) mais ce serait vraiment passer à coté de la "Cabin" que de réduire à ça l'expérience. Ne nous y-trompons pas, derrière les piques, les moqueries, les gags, les gerbes de sang, le meta-textuel, The Cabin in the Woods est avant tout une grande déclaration d'amour à un genre qui a offert tout et n'importe quoi, voire, allez, une déclaration d'amour au cinéma tout court. Si cet amour là vous le partagez vous aussi, vous pouvez vous ruer dans la salle les yeux fermés (on se comprend) et déguster : cette Cabane a été bâtie pile pour vous.
