Premier film tourné en langue anglaise par Paul Verhoeven, "La chair et le sang" est surtout le film le plus fort, le plus important dans la carrière du hollandais violent (même si ce dernier n'y voit qu'un film intéressant qui aurait pu être beaucoup mieux), contenant une grande partie des obsessions du cinéaste et annoncant déjà ses futurs travaux hollywoodiens ("Robocop", "Showgirl" ou même "Total Recall"). Véritable miroir de notre époque (le film se déroule au moyen-âge mais pourrait très bien se passer dans l'ouest américain ou dans les rues d'une métropole contemporaine), le film, violent, baroque, provocateur, décadent, offre au spectateur ce qu'il est venu voir (un putain de bon film d'aventure) tout en détournant ses codes (le prince charmant ne pense qu'à ses inventions, la douce princesse à le feu au cul, le preux chevalier est un bandit adepte du pillage et du viol...) avec un humour certain (le tendre baiser sous les pendus en décomposition) tout en étant foutrement subversif. Jouant sans cesse avec les oppositions (la force brute face à l'intellect, la science face à la religion, la royauté face aux prolos), "La chair et le sang" décrit un moyen-âge crasseux et putride, bouffé par des croyances stupides et manipulatrices, où les hors-la-loi, aussi cruels soient-ils, restent finalement les jouets d'une élite corrompue. Faisant naître l'ampathie et le romantisme là où on ne l'attend pas, Verhoeven et son scénariste Gerard Soeteman parviennent également à transformer une contrainte purement hollywoodienne (une histoire d'amour) en triangle amoureux ambigu et complexe, débouchant sur un portrait de femme incroyablement couillu. Complètement fou et d'une beauté graphique indéniable, délicieusement pervers et anachronique, virulent et exaltant, "La chair et le sang" est tout simplement un des plus grands films des années 80, hanté par la musique de Basil Poledouris et par l'aura sulfureuse de son couple vedette, Jennifer Jason Leigh incarnant à la perfection ce mélange d'innocence et de perversité quand Rutger Hauer (qui ne voulait pas du rôle et qui n'en trouvera plus jamais d'aussi fort) impregne la pellicule de son charisme animal.
Gand-Alf
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Gand-Alf and Emma Peel's Excellent Bluraythèque., Pourquoi cet oubli ?, Un film, une scène., A manipuler avec précaution. et Accouchement au forceps.

Créée

le 6 oct. 2012

Critique lue 3K fois

50 j'aime

4 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 3K fois

50
4

D'autres avis sur La Chair et le Sang

La Chair et le Sang
Sergent_Pepper
8

Les truies et la fureur.

La Chair et le Sang reste, trente ans après sa sortie, un film hautement singulier et représentatif, tant de son époque que de son auteur, grand objet criard et furieux. Son époque, d’abord,...

le 18 sept. 2015

82 j'aime

7

La Chair et le Sang
Docteur_Jivago
8

L'Evangile selon Saint Martin

Europe de l'ouest, époque médiévale : Une troupe de mercenaires se fait trahir par un noble après l'avoir aidé à reconquérir sa ville. Guidés par Saint Martin, ils prévoient donc de se venger.Il est...

le 31 janv. 2015

59 j'aime

8

La Chair et le Sang
Gand-Alf
10

Un miroir de notre temps.

Premier film tourné en langue anglaise par Paul Verhoeven, "La chair et le sang" est surtout le film le plus fort, le plus important dans la carrière du hollandais violent (même si ce dernier n'y...

le 6 oct. 2012

50 j'aime

4

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

268 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

208 j'aime

20