Je pourrais mettre plus mais le thème de la pédophilie n'est pas mon sujet favori. Ca me retourne toujours le ventre, surtout lorsque le film est très bien fait.

Bien fait, à mon sens, ça veut dire : le réalisateur (qui revient un peu sur son premier film Festen, qui a connu un succès mitigé) colle à la peau du sentiment. Toute la difficluté réside dans l'expression de ce sentiment. La distinction est bien faite entre le domaine du ressenti où règne la certitude et celui de l'expression où le doute s'insère. On remarque l'importance du jeu de regard. On est dans la suggestion que tout le discours social étouffe.
Le personnage du père de famille incarne bien ce paradoxe. Il est à la fois sûr de la culpabilité et de l'innocence de son ami. Et c'est à travers lui qu'en quelque sorte nous jugeons le suspect. Puisqu'il ne sait pas, nous ne savons pas non plus. Alors nous restons frustrés, la catharsis n'a pas lieu.

Ceci étant, nous disposons d'un espace où exercer notre libre arbitre car si nous pouvons douter de la culpabilité du personnage principal, nous nous posons aussi la question de savoir si le viol n'a pas réellement eu lieu.
Des indices sont subtilement semés sur la perversité d'un autre personnage...
C'est en ce sens que la machination sociale est rédhibitoire.

On constate que la fillette, principale intéressée, n'est absolument pas écoutée et même, privée de parole. Elle n'a plus le droit de revenir sur ce qu'elle a dit. Et à partir de là, on entre dans la logique du bouc émissaire, tellement puissante, proportionnelle à la faute, que la société est incapable d'imaginer d'autres coupables, de mener une réelle enquête. Le crime est tellement odieux que le premier venu suffit pour infliger un chatiment.

Le hasard a fait que j'avais visionné peu de temps avant Le Corbeau de Clouzot qui met formidablement bien en lumière cette logique de l'exclusion. Tous contre un ou plutôt, dans ce cas, un contre tous.
La société est malade et se soigne comme on soignait il y a deux siècles, par la saignée.

Enfin, la métaphore de la chasse est esthétiquement bien déployée tout au long du film par une tribalisation de la petite communauté danoise. Toutes les séquences de chasse poétisent le sens du sacré et son corrolaire, le sens du tragique. Le suspect est donc traqué selon une logique primitive et sanguinaire.

Cependant cette logique est mise à mal. La communauté accorde une importance capitale au permis de chasse qui marque le passage d'un individu de l'adolescence à l'âge adulte. Ce rituel de passage est remis en cause dans la mesure où finalement, la bête n'est pas tuée. Les séquences de chasse nous montrent bien que le premier gibier qui se présente n'est pas forcément le meilleur ou le plus facile à tuer. C'est une affaire de patience et de sérénité, deux qualités dont la communauté ne dispose plus et personne n'a chassé le bon gibier.

Le film pose quand même la question du pouvoir judiciaire, dans sa capacité à juger une affaire de pédophilie. Le discours de l'enfant n'entre pas dans les critères, tous fondés sur la raison, de réception d'un témoignage. Le scénario insiste bien sur l'imagination débordante de l'enfant. Un enfant interprète toujours sous ce prisme et l'adulte est censé réinterpréter. Or, la justice se base sur des faits et non pas sur leur interprétation!

Enfin, ce Vinterberg est tracassé!
molliecchart
8
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Créée

le 17 nov. 2012

Modifiée

le 17 nov. 2012

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