Un agrégé de philosophie menant une vie de livreur se trouve un jour au milieu d'un hold-up et décide de récupérer l'argent. Tel est l'élément perturbateur de ce film pour le moins étonnant et même perturbant dont Denys Arcand a le secret. Tout l'enjeu pour ce personnage – Pierre-Paul Daoust – va être de mettre cet argent à l'abri pour échapper à la police et aux représailles. Son manque de connaissances en la matière l'oblige à s'entourer de personnages tous plus suspects les uns que les autres.
Ce troisième volet de la trilogie marque une rupture car l'histoire racontée ici ne s'inscrit pas dans la continuité du Déclin de l'empire américain et des Invasions barbares. Cette rupture est tout à fait salutaire car Denys Arcand se permet de s'approprier le genre policier, ce qui donne un certain rythme à son film, davantage que dans les précédents volets. Cette appropriation est un véritable détournement, notamment parce que le héros se retrouve voleur malgré lui mais également parce que le film est fait de telle sorte que sa cause semble plus légitime que celle des policiers.
Ce que je trouve merveilleux avec ce film, comme avec les précédents, c'est qu'il est bavard. Tous les personnages parlent et certainement pas pour dire des âneries ! Les citations qui émaillent le film sont aussi drôles que pertienentes et les phrases prononcées par les personnages affichent autant qu'elles dissimulent (car ce film ne commet jamais l'écueil de se muer en réquisitoire) des critiques à l'encontre de la société.
Notamment lorsque Taschereau dit sans regret que les riches échappent facilement à la justice, qui rappelle bien évidemment les animaux malades de la peste de Jean de La Fontaine : Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
Ce film montre bien comment à partir du moment où Pierre-Paul à l'argent en sa possession, il passe d'une relative tranquillité à une angoisse permanente. L'argent lui pèse comme la savetier dans Le savetier le le financier de Jean de La Fontaine
et d'ailleurs la question de la dépendance et de l'aliénation à l'argent est maintes fois traitée dans le film d'où la volonté de Pierre-Paul de ne jamais en abuser. Peut-être n'est-ce pas un hasard son amie s'appelle Camille Lafontaine.
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Ce film fait preuve de beaucoup d'humour et ce dès le début du film avec ce dialogue savoureux et surréaliste où Pierre-Paul explique qu'il ne réussit pas dans la vie parce qu'il est trop intelligent.
Et cette intelligence, Denys Arcand la concède également à son spectateur en évitant de mettre des messages moralisateurs en toutes lettres à l'écran.
À ce titre, l'évocation du sort des Inuits est exemplaire. Ils sont très peu montrés dans le film. La première fois qu'il en est fait mention c'est lorsque Pierre-Paul explique qu'on ne les voit pas. La deuxième, c'est tout à la fin où on nous les montre simplement. Avec ces deux évocations tout est dit : ils sont là mais personne ne les voit, parce qu'ils passent sous la focale de la caméra, parce qu'ils n'ont pas l'argent dont ce film évoque le triomphe.