Catastrophe!

Je pense que "La Cité de la Peur" a mis en branle un processus monstrueux, en France en particulier, mais aussi dans le monde entier de manière générale: l'acceptation que les scènes et répliques que nous fantasmions en perm' ou dans le couloir où nous attendions le prof de français (flanqué d'un lot d'exos tirés du Bled) constituent un motif à la fois légitime et suffisant pour faire un film. Un peu comme Tarantino, la classe et l'iconisation en moins.

Et, finalement, "La Cité de la peur" n'est rien d'autre que ça, une enfilade d'idées qui faisaient rire au sortir du bâtiment des sciences, alors que nous n'avions même pas encore un poil sur le berlingot. A peine des sketches, quoi. Enfin, moi, même à l'époque, je trouvais que la meilleure idée des Nuls, c'était le nom de la troupe.

Je ne l'ai pas revu depuis un moment. Je l'avais regardé presque à contre coeur, dépité de ne pouvoir me trouver un bon film d'action décérébré mais qui m'aurait laissé tranquille (au lieu de me ruiner les côtes de coups de coudes avec un "Hé, elle est pas géniale, ma réplique?"). De toutes façons, je devais le voir. Les Nuls, c'était l'humour décalé (comprendre: "Bruno Carrette lâche un pet sans qu'on sache pourquoi."), l'esprit Anal Plus ("Tu raques déjà pour l'ORTF? Bah tu peux bien raquer pour mater nos programmes et les films qu'on a produits et déjà amortis!"), l'irrévérence (enfin, pas vis-à-vis du PDG et des actionnaires, hein, faut pas déconner non plus). Il fallait donc AB-SO-LU-MENT que je le voie. Même si je n'aimais pas. Parce qu'en réalité, on ne peut pas ne pas aimer. Bla bla bla...

Bilan des courses: environ dix ans après le premier (et unique) visionnage, je n'en ai gardé que "Sarah Connor?" et la Carioca, dont ceux de mes proches parmi les plus grands adorateurs du film m'avaient rebattu les oreilles depuis des années. Le problème, c'est qu'en ces moments-là, le film m'a arraché un sourire, parce que j'y ai trouvé une référence... à des soirées auxquelles j'avais assisté, et où la citation tirée du film s'inscrivait dans une bonne tranche de franche rigolade. En gros, ce n'est pas le film qui est drôle, mais le vécu qui y est rattaché qui le rend amusant.

C'est triste.

Bref, le terrorisme intellectuel qui a monté en sauce ce qui n'aurait jamais dû être autre chose qu'un film de potes tourné avec une caméra premier prix de chez Darty lui a permis d'être considéré comme culte, aux côtés de "la vie de Brian" ou "Retour vers le Futur". Je veux bien admettre que, étant réfractaire à l'humour des Nuls, je ne pouvais qu'être réfractaire à ce film (ce qui n'enlevait rien au fait qu'il fallait absolument le voir tout de même, sans doute parce qu'il est inconcevable de ne pas rire devant un de leurs sketches). Dommage, les sketches ne me faisaient pas rire, le film non plus. C'aurait pu le faire, avec des personnages, et un vrai humour absurde, au lieu d'être simplement con. En fait, ce film aurait pu être vachement bien, s'il n'avait été pas été écrit ni interprété par les Nuls.

Au final, j'ai surtout assisté à environ une heure trente de private jokes entre les Nuls et mes potes qui avaient vu le film à l'époque de sa sortie, comme si celui-ci avait conscience de ses propres limites et du fait qu'au fond, il n'est rien de plus qu'un prime time de télé parmi d'autres, vaguement lié par ce qu'aucun professionnel ne pourrait appeler "scénario" sans rougir.

Un dialogue dont je suis exclu depuis le début: ce film ne s'adresse, finalement, qu'à ceux qui l'auront validé a priori avant même de l'avoir vu. Si ce n'est pas avouer avoir fait une bouse, ça...