La tension érotique des neurones

"La collectionneuse" est un des meilleurs films de Rohmer.

Ce postulat péremptoire une fois posé, il convient d'affûter passablement ses arguments, pour ne pas s'exposer aux lazzis.
Tout d'abord un mot sur le jeu des acteurs, qui constitue généralement le défaut majeur de la cuirasse chez ce réalisateur: quoi que non véritablement professionnels, Haydée Politoff et Patrick Bauchau interprètent leurs rôles respectifs avec brio, en particulier ce dernier, qui assure également la narration en voix off. Pour être tout à fait juste, je me demande s'il n'incarne pas plus qu'il n'interprète.

Haydée frappe d'emblée par sa beauté et sa sensualité. Dans ce huis clos où elle joue à l'agace-pissette avec les deux hommes qui l'entourent, on s'attend à ce qu'elle soit piégée in fine dans les rets d'Adrien.

Le stratagème qu'il emploie n'est pas nouveau, bien qu'assez retors : feindre l'hostilité ou l'indifférence pour faire succomber celle qu'il convoite peut-être (il n’en n’est pas sûr lui-même). Tout le film s'attache à répondre à cette question, et quand il est sur le point de savoir, Adrien s’enfuit , faisant montre de la liberté et de la grandeur d'âme dont il se targuait depuis le début, sans jamais nous en convaincre véritablement jusque là.
Rohmer trouve un équilibre entre rigueur littéraire et exigence interprétative sans sombrer ni dans la préciosité ni dans l'artificialité. Ces écueils furent hélas ceux qui menacèrent souvent ses films, en particulier lorsqu'il s'ingénia à confier les rôles de ses personnages à des débutants, ou pire, à de mauvais acteurs.

Ce film fut tourné à l’été 1966. Néanmoins il frappe par sa modernité, et l’on est surpris par certains éléments du décor de l’époque qui nous paraissent singulièrement anachroniques alors qu’ils sont totalement normaux.