Etienne Chaillou, Mathias Théry nous convient pour un 2 films en un. Initialement impulsé après la dernière élection américaine, le projet restera pourtant bien une observation française autour de l'extrême droite, sa normalisation dans l'espace politique et ses électeurs. La Cravate se concentre d'ailleurs sur l'un deux, Bastien. Dans la forme, le documentaire contient certaines imperfections assez gênantes. La voix-off (monocorde) sous-titre parfois excessivement l'image, ce qui peut rapidement lasser. La structure est également redondante, là où le film aurait eu besoin de quelques embardées pour ne jamais se cloîtrer. Il est malheureusement trop scolaire et emprunté.
Sur le fond par contre c'est assez brillant. Le titre ne doit rien au hasard, la bande de tissu devient la synecdoque du politique, sa marque de fabrique et son image dans l'inconscient collectif. Une manière simple de montrer qu'à ce petit jeu, le Rassemblement National ne déroge en rien au système qu'il s'échine à pourfendre. Et le jeu des comparaisons avec ses camarades ne s'arrêtera pas ici. En suivant le parcours d'un admirateur et militant RN, La Cravate invite à prendre un peu de recul et à regarder le paysage en trompe-l'œil et faux-semblants qui pavent la route du pouvoir. Une tâche qui oblige à regarder tous les partis qui le convoitent avec méfiance, puisqu'ils finissent invariablement par se ressembler les uns les autres. Et parmi les premières victimes de cet "habillage médiatique" permanent, les idées ou l'intégrité sont les premières à sauter au profit du marketing et de la récupération. Il ne s'agit pas de changer la donne, mais d'en donner l'illusion. Il n'en faut pas plus pour galvaniser les foules. Une réalité dans laquelle Bastien échappe rapidement au jugement sentencieux que certains ne se priveraient pas d'avoir en lisant le résumé de La Cravate. Il ne s'agit pas de tourner le jeune homme en ridicule ou à diaboliser le parti de Marine LePen. En creux, le documentaire montre surtout le caractère propret et finalement commun du parti qui, comme celui de ses adversaires, est alimenté par le carriérisme, les effets de manche et les campagnes de communication. Rien de plus. Si Bastien déstabilise, c'est parce qu'il est terriblement proche, sans filtre et ordinaire. Un militant parmi tant d'autres, dont les espoirs et désillusions pourraient être comparées à celles de beaucoup d'autres sur l'éventail politique.