Dans l'illusion d'un sentiment.
Après son escapade américaine avec le très réussi "Dog Pound" se déroulant dans l'univers carcéral, Kim Chapiron revient à sa France natale et propose une comédie dramatique ayant pour nom "La Crème de la Crème".
Ce n'est pas sa première comédie, le jeune réalisateur avait déjà exploité le genre avec le déjanté "Sheitan", vision horrifique d'une campagne déjantée. Le résultat était satisfaisant même si il manquait, à l'évidence, de maturité. Une maturité que touchera Chapiron avec, donc, "Dog Pound", drame social d'une force fulgurante, décriant avec brio le quotidien de trois jeunes prisonniers.
Avec "La Crème de la Crème", Chapiron réalise en quelque sorte son teen-movie. Un teen-movie à la française, certes, mais qui reste dans l'esprit purement américain. Pourtant, là où les teen-movies américains chutaient dans une accumulation systématique et énervante de conneries ou de clichés, "La Crème de la Crème" arrive avec classe et succès à éviter ce gouffre en proposant une histoire certes très basique mais qui propose de nouvelles visions dans un genre cinématographique en fin de vie.
Toujours critique des classes sociales dans ces deux précédents films, Chapiron dresse ici le portrait d'une jeunesse dorée, qui a tout mais qui, paradoxalement, recherche tout. On sent un peu de Bret Easton Ellis dans la psychologique des personnages, en particulier celui de Kelly, interprété par une Alice Isaaz tout en beauté et simplicité. L'argent coule à flot, comme le montre ces nombreux plans de lasses de billets bleus et jaunes. Le sexe est dans une situation analogue, pour les plus beaux, les plus côtés, les plus riches. Et c'est dans cette brèche que se glissera le film, s'intéressant au quotidien de trois étudiants en proie à des questions existentielles.
Pour répondre à ces questions, le trio va créer un vaste réseau de connexions dont le but est la reconnaissance par le sexe, ce qui découle logiquement d'une certaine attention auprès des filles en tout genre. Pourtant, quand les véritables sentiments s'en mêlent, c'est une autre histoire... Et pas la plus facile.
"La Crème de la Crème" joue sur deux tableaux. D'un côté, on est frustré par une non-prise de risque évidente par un Kim Chapiron qui semble étrangement en retrait. La folie de "Sheitan", la force de "Dog Pound" ne sont plus présentes. Une certaine norme semble s'installer. Le long-métrage perd alors en efficacité, malgré la bonne volonté évidente des acteurs.
De l'autre côté, le film est redoutablement attachant. Il est facile de se laisser aller avec ces personnages, qui nous emmènent dans les arcanes encore mûres de l'amour et du sexe. Les situations sont certes déjà-vues, tout comme les dialogues, mais étrangement, le charme opère toujours. C'est peut-être grâce aux messages que véhiculent le long-métrage, ne tombant jamais dans une quelconque morale prosaïque.
Kim Chapiron passe donc avec succès le cap du troisième film, même si malheureusement, il perd plus qu'il ne gagne. Mais la maturité semble définitivement acquise, il ne reste plus qu'à enlever ses fesses de l'entre deux chaises et le tour est joué !