La Dame de Shanghai est un film étrange, qui suit à la fois les codes du film noir et du film d'aventure, deux genres qui à priori ne se marient pas très bien. Du coup le résultat est très intéressant, mais inégal. La Dame de Shanghai c'est aussi un film qui, comme La Splendeur des Amberson, a été charcuté par les studio (la Columbia cette fois-ci). On passe ainsi de 2h30 pour le premier montage d'Orson Welles, à 1h30 après les nombreuses coupes ... 60 minutes de pellicule qui se sont envolées.


Michael O'Hara (aka Orson Welles) sauve une belle inconnue Elsa Bannister (aka Rita Hayworth) d'une agression et "vous l'aurez deviné" il tombe immédiatement amoureux d'elle. Michael est ensuite engagé sur le voilier du mari d'Elsa, le célèbre et richissime avocat Arthur Bannister (Everett Sloane). C'est alors qu'une conspiration va se mettre en place et dont sera victime Michael, qui décidément n'a pas de chance dans la vie.


Le film démarre très mal, la scène de la rencontre entre Michael et Rita puis de la bagarre avec ses agresseurs, ressemble à une parodie. C'est très mal filmé, ça sonne totalement faux et c'est d'une platitude extrême. Mais dés que le personnage du mari d'Elsa entre en scène, on est tout de suite rassuré. Arthur Bannister est un excellent bad guy, rusé et étrange avec ses deux cannes qui lui confèrent une démarche peu orthodoxe. Quant à Elsa Bannister, son personnage de femme fatale se dessine peu à peu et on comprend très vite que nous avons affaire là à une véritable mante relieuse. Rita Hayworth est d'ailleurs splendide, presque trop belle pour son rôle. Quant à Orson Welles, il manie l'auto-dérision avec délectation.


Le film est très classique dans sa réalisation et dans sa narration. On est loin des "bizarreries" de Citizen Kane et à un degré moindre de La Splendeur des Amberson, deux films beaucoup plus novateurs. Mais de temps en temps on retrouve la maestria de mise en scène du maitre, notamment lorsque arrive le final et la révélation de la machination. Les quinze dernières minutes qui se déroulent dans le tribunal, puis dans chinatown pour se finir dans la fameuse scène du couloir aux miroirs, sont un régal. Le film réussit brillamment sa sortie et nous laisse donc sur une très bonne impression. Si tous les éléments du film noir m'ont emballé, je dois dire que je suis plus circonspect par tout l'aspect film d'aventure de La Dame de Shanghai. Tout le passage sur le voilier dans les îles Caraïbes m'a semblé être hors sujet. C'est d'ailleurs dans ce passage que la mise en scène si atypique d'Orson Welles disparait complètement.


Bref, La Dame de Shanghai est un excellent "film noir", l'atmosphère est soignée, tous les personnages sont ambigus, le récit cultive le mystère jusqu'au bout et les rouages de la machination sont parfaitement huilés ... mais j'ai moins apprécié tous les éléments du "film d'aventure", qui selon moi parasitent le film. Le film a néanmoins le bon goût de se terminer sur la fabuleuse scène des miroirs (une vraie prouesse) maintenant devenue célèbre, une scène qui sera maintes fois copiée par la suite, signe que La Dame de Shanghai est bien un grand film.

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le 11 août 2021

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lessthantod

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