Le cinéma d'Orson Welles est un cinéma extrêmement dominateur, qui ne cesse, scènes après scènes, d'imposer sa vision. Cela a donné des chefs-d'œuvre absolus, je pense à Citizen Kane et La Soif du mal. Pourquoi alors La Dame de Shaghai m'a profondément ennuyé, pourquoi ais-je tant luté pour arriver au bout ? Objectivement, le film est une splendeur. Mais là où les deux films travaillaient une sorte de démesure et de monstruosité qui collaient parfaitement au style du cinéaste, il me semble qu'il fallait autre chose pour cette Dame de Shanghai irriguée par le sex-appeal affolant de Rita Hayworth que ce refus total du prosaïque, cette volonté de penser chaque scène comme un morceau d'onirisme que la voix-off arrogante, cynique et misogyne de Welles se chargera de lier. Dans La Dame de Shaghai, les symboles affluent et les gestes expressionnistes courent. Mais il manque le mystère, la passion, le trouble : tout ce que l'esprit du film appelait. Le film est très pensé, très cadré, il en devient même étouffant et pénible. Et pour la première fois je trouve l'acteur Orson Welles, son dandysme truculent et arrogant, inintéressant : là où dans les deux films cités plus hauts, sa composition était celui du monstre caché dans l'ombre, métaphore du cinéaste, il me semble ici bien trop mis en avant pour que le film qu'il coordonne puisse véritablement s'envoler, prisonnier surtout d'une parole répétitive et ayant perdue toute subtilité, tout charme, tout mystère. On sait que le tournage du film s'est déroulé en plein divorce entre le cinéaste et son actrice, on le sent clairement dans le film - et pourquoi ne pas oser dire qu'au final, et en dépit de l'universalité que ses images souhaitent et échouent à créer, La Dame de Shanghai, ce n'est pas plus qu'un inventaire de la relation chaotique entre un homme et/contre sa femme.
B-Lyndon
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le 1 janv. 2014

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B-Lyndon

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