Après la complicité tumultueuse entre Zola et Cézanne dans Cézanne et moi, c'est au tour de Loïe Fuller et Isadora Duncan, deux danseuses de la fin du XIXème siècle, d'avoir leur biopic. En vérité, le film tourne essentiellement autour de Loïe Fuller, danseuse américaine venue marquer le public parisien grâce à des chorégraphies à l’esthétique hypnotisante et qui est ainsi devenue l'une des pionnières de la danse contemporaine. Comme la réalisatrice, Stéphanie di Giusto, a choisi de traverser une grande partie de sa vie, sa rencontre avec Isadora Duncan ne survient qu'à la fin, ne plaçant absolument pas cette relation de rivalité au cœur du scénario, contrairement à ce que peut laisser croire la bande-annonce. C'est à la fois l'avantage et l'inconvénient de La Danseuse ; devant nous se dresse le panorama d'une vie exceptionnelle guidée par l'acharnement et la détermination mais en voulant trop nous en montrer, on en perd la richesse du détail et l'intensité des relations. L'action va trop vite, et se résout trop facilement. On aurait aimé intensifier les embûches, multiplier les contraintes. Heureusement, Soko, d'une justesse incroyable, interprète avec nuances et intensité le rôle titre et tient une grosse partie du film sur ses épaules. Accent anglais parfait, danses sublimes, émotions et sincérité ont tout pour la mettre sur un piédestal. Une future nomination aux César, au moins comme meilleur espoir féminin, serait justifiée et amplement méritée car la jeune actrice signe ici son meilleur rôle ! Les second rôles, quant à eux, sont à déplorer et on regrette les têtes d'affiche qui ne servent qu'à promouvoir le film car leurs talents ne sont absolument pas mis en avant. Le scénario les survole, les rend mystérieux et éphémère, n'intensifiant nullement leur relation avec Loïe Fuller. Gaspard Ulliel, dans le rôle de l'amoureux silencieux frustré, est passif et est bien loin de sa performance intense dans Juste la fin du monde. Ses interventions sont ennuyeuses et sans intérêts. Il en va de même pour le rôle de Mélanie Thierry, dont l’intérêt pour Loïe Fuller reste totalement flou ; son personnage est plat et fade. Pareil pour François Damiens, qui, même si il se risque à des rôles dit "sérieux", ne marquera pas les esprits avec ce film. Arrive alors la fameuse "fille de", Lily-Rose Depp, dans le rôle de la rivale de Loïe Fuller à la grâce naturelle, qui, certes, est ravissante et bonne danseuse et qui sait sortir quelques phrases de temps à autres mais qui, en soit, est aussi transparente et lisse que le reste du casting. Elle ne crève pas l'écran et j'ai eu beaucoup de mal à croire à la rivalité entre les deux artistes tellement la performance de Soko saute aux yeux ! Néanmoins, malgré ces acteurs délaissés d'opportunité de montrer ce qu'ils ont dans le ventre, La danseuse a une photographie magnifique, réalisée par Benoit Debie (Enter the Void, Love, Spring Breakers,...), qui sublime chaque plan avec minutie. C'est un point de repère auquel on se raccroche malgré un scénario évasif. Les scènes de danse sont à l'image de l'art de Loïe Fuller ; hypnotisantes ! Performance physique remarquable dont le rendu visuel nous donne l'impression d'être sous drogue, à l'image de Enter the Void, tout en restant fidèle aux moyens de l'époque pour les effets spéciaux. L'accompagnement de morceaux classiques dont l'air est connu de tous participe activement à l'effervescence de ces passages. Vous l'aurez compris, La danseuse veut trop en faire et nous convainc qu'à moitié. C'est une esquisse, une bande démo d'un film qui aurait pu nous rappeler La môme et la vie remuée d'Edith Piaf mais la réalisation (dont c'est la première, donc restons indulgent) et le scénario ont peine à suivre.

alsacienparisien
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le 4 oct. 2016

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