Inspiré de faits authentiques, ce western fit l'effet d'une bombe en 1950, car c'était en effet la première fois qu'un western réhabilitait le peuple Indien. Les tribus n'étaient plus montrées comme d'horribles sauvages sanguinaires tout juste bons à scalper les Blancs, mais comme des êtres humains, des gens respectables qui ont été spoliés de leurs terres et massacrés honteusement, des victimes de trafiquants de tout poil. Hollywood essayait de comprendre leur civilisation, leur religion, leur culture ; jamais dans ce film ils ne sont inférieurs aux Blancs. Les héros qu'ils soient Blancs ou Indiens sont des êtres nobles, pour lesquels la parole donnée est sacrée.
Premier western pro-indien, la Flèche brisée marque donc une date clé à Hollywood, les propos de Delmer Daves étant nets et précis. A une époque où l'Amérique était en proie au maccarthysme, le film dénonçait tous les extrémismes et traitait avec dignité un sujet historique, remettant ainsi en question la vision que le cinéma américain donnait des guerres indiennes. Même la romance entre Tom Jeffords incarné par Stewart, et Soonseeharay la jeune Apache incarnée par Debra Paget, s'inscrit dans cette optique sans tomber dans la mièvrerie et la bonne conscience.
En dehors de quelques westerns ouvertement pro-Indiens tels que Buffalo Bill de William Wellman (1944), ou la Porte du diable d'Anthony Mann, tourné la même année, le western hollywoodien d'avant 1950 avait volontiers dépeint l'Indien comme le "diable rouge" dont la présence gênait l' avancée de la civilisation. La Flèche brisée et la Porte du diable marquaient au contraire le renversement de cette tendance belliciste. La dignité des rapports entre Cochise et Jeffords portent l'indiscutable empreinte de la personnalité de Daves qui avait vécu de nombreux mois dans la tribu des Navajos.
Sur le plan historique, le film est aussi très révélateur, car il décrit les divisions internes de la nation Apache au moment de la signature du traité de paix avec les Blancs ; Goyatleh prend le nom de Geronimo et mène une farouche rébellion, alors que Cochise est partisan d'un compromis car il y a eu trop de morts dans chaque camp. On apprend aussi qu'il y a de mauvais Blancs et de mauvais Indiens qui n'ont pas envie de la paix parce que ça n'est pas leur intérêt, ce qui signifie de nombreux obstacles des 2 côtés, et d'ailleurs Jeffords devra lui aussi supporter la haine raciste de certains de ses compatriotes. Le grand talent de Delmer Daves est d'avoir réussi à combiner ici l'Histoire houleuse du Far West, l'aventure westernienne et sa sensibilité personnelle, le tout servi par 2 prodigieux acteurs que sont James Stewart et Jeff Chandler.

Créée

le 29 déc. 2017

Critique lue 750 fois

27 j'aime

14 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 750 fois

27
14

D'autres avis sur La Flèche brisée

La Flèche brisée
Torpenn
7

Prendre une jument comme on respire

Dans la première partie des années 50, une vague de westerns pro-indiens marqua les esprits. En effet, sans être aussi novatrice qu'on a bien plus le raconter, oubliant certains précédents...

le 21 août 2011

35 j'aime

19

La Flèche brisée
Sergent_Pepper
8

L’aurore est humaine

Se plonger dans l’histoire du western fait prendre surtout conscience d’une chose : les attributs et nouveautés qu’on a tendance à octroyer aux films sortis après l’âge d’or étaient déjà bien...

le 6 janv. 2018

32 j'aime

La Flèche brisée
Ugly
9

Le premier western non raciste

Inspiré de faits authentiques, ce western fit l'effet d'une bombe en 1950, car c'était en effet la première fois qu'un western réhabilitait le peuple Indien. Les tribus n'étaient plus montrées comme...

Par

le 29 déc. 2017

27 j'aime

14

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

121 j'aime

96

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

95 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 4 déc. 2016

95 j'aime

45