Si j´en avais lu le scénario avant d´entrer chez mon marchand, je n´aurais probablement jamais acheté ce film. C´est un peu un ancêtre du bon film bien pensant feel-good Dany Boonien, pacifiste, sans frontièriste, avec l´obligatoire happy-end et la morale se résumant à un insupportable aimez-vous les uns les autres... On est en pleine première guerre mondiale mais nos héros font du théâtre dans le camps où ils sont détenus pendant que leurs collègues crèvent dans les tranchés. Ils dissertent, parfois avec l´ennemi, sur le sens de la vie, l´artificialité des frontières et des nations, tout cela dans la joie et la bonne humeur. Même si, le réalisateur, mettant en évidence les blessures de certains et mentionnant les tentatives d´évasion des autres, nous interdit de les traiter de lâches, le décallage entre le confort de vie des héros ("j´ai jamais aussi bien mangé qu´ici") et l´horreur du front aurait pu rapidement m´insupporter. Pourtant, j´ai adoré ce film. Dans une première partie, les prisonniers fraternisent et meublent leurs journées comme ils le peuvent en attendant de pouvoir, la nuit, mettre à exécution le plan de leur évasion. Une sympathie se dégage immédiatement des personnages, drôles, vifs et doués d´une imagination débordante. Ensuite, après un premier rebondissement, le rythme s´accélère. On quitte l´ambiance bon enfant du début. Les dialogues, toujours de grande qualité, deviennent plus sérieux, les personnages ont à prendre des risques, le film gagne alors des allures de thriller. Enfin, Gabin rencontre l´amour, le rythme retombe, les dialogues se raréfient, on se retrouve alors devant une romance, encore une fois très bien menée, à la limite du kitsch mais sans jamais y sombrer. Je recommande la grands illusion. On y passe du rire aux larmes. C´est un film rondement mené.