J'y allais avec certaines préventions. Je n'aime pas toujours les vieux films, leur vision est souvent extrêmement mélancolique et beaucoup vieillissent mal. Je n'avais, de plus, jamais vu un bon film de Jacques Tourneur (son célèbre La Féline, pourtant considéré par beaucoup comme un chef d'oeuvre, m'ayant déçu). Hé bien, maintenant j'en ai vu un. La Griffe du passé, dont le titre original est Out of the Past, est un très bon film noir, produit par la RKO et sorti un peu avant la fin de l'âge d'or hollywoodien.
L'intrigue (adaptée d'un roman policier de Geoffrey Homes, qui participe également au scénario sous son vrai nom : Daniel Mainwaring) est assez complexe et sinueuse, avec beaucoup de péripéties, mais elle tient la route et les personnages, qu'elle fait vivre, existent vraiment et ont de l'épaisseur : on y croit.
C'est un film très noir, très pessimiste. Presque tous les personnages filent un mauvais coton ou ont une bonne raison d'être malheureux. Et les péripéties restent imprévisibles jusqu'au bout, ce qui n'est pas si courant.
Le film est aussi servi par une bonne distribution, Robert Mitchum en tête, excellent dans le film et donnant beaucoup de crédibilité à son personnage de détective privé qui essaie de se sortir de, on va dire, ses mauvaises fréquentations. Dans le rôle de la femme fatale, Jane Greer fait ce qu'elle peut, mais dans le genre il y a eu mieux. Un Kirk Douglas jeune et Rhonda Fleming complètent le haut de la distribution. Il y a aussi un jeune sourd-muet (dans le film, en tout cas) qui est assez touchant.
Le film fonctionne, nous accroche jusqu'à la fin, et quand le mot s'affiche à l'écran, on reste quelques instants figé dans son fauteuil, encore tout entier plongé dans l'ambiance de ce film et de cette (je pense) Californie de l'après-guerre.
Un quasi chef d'oeuvre du cinéma noir.
(Critique écrite il y a une dizaine d'années et légèrement retouchée pour sa publication ici.)