Non, la guerre des étoiles ne peut pas être un film culte. Dans le cinéma, culte peut être entendu comme objet d'adoration d'une minorité, comme une sorte de phénomène sectaire inoffensif. On ne peut pas logiquement parler de "mon" film culte, mais de film fétiche, si l'on tient à la terminologie religieuse appliquée à l'art, qui lui-même n'est une catégorie séparée du religieux (comme le religieux n'est séparé du politique) que dans les cercles étroits du mode de pensée occidental.
"Star Wars" donc, puisque ça simplifie la réclame, présente un mérite dont on ne peut pas attribuer la primeur à "Alien" : le look usé. Sur tous les autres plans, il constitue une régression par rapport aux fictions de sf qui ont fleuri après la seconde guerre mondiale, un retour à l'âge d'or du space opera, c'est-à-dire un peplum dans l'espace (alors discuter de qu'il doit à telle ou telle bédé ou autre dans le détail, présente autant d'intérêt que de dire que Mighty Mouse est copié sur Superman).
Il présente une convergence entre le kitsch de la forme et du fond : une intrigue volontairement éculée, "mythologique", et une imagerie à base de robots boîtes de conserve, et de vaisseaux spatiaux qui font "woosh" dans le vide intersidéral. Alors oui tout ça est très amusant, mais quand on ne le découvre pas à 5 ans mais à 11 ans, on peut le trouver excessivement régressif.
Le projet des George Lucas est foncièrement paradoxal, ou retors : conter une histoire de révolution traditionaliste. C'est le modèle des blockbusters actuels, dont aucun ne se prive de faire l'éloge de la rébellion juvénile, même du piratage, tout en misant sur le renflouement de ses budgets pharaoniques. C'est tout le jeu de la culture pop, du monde de la marchandise culturelle de masse née avec la génération du baby boom : vendre de la révolte.