1995, vous vous rendez compte ? Le film a presque mon âge. Et pourtant on s'était évité jusqu'ici. Il faut comprendre qu'entre les hommages dithyrambiques, son statut culte en Europe de l'Est, les critiques acerbes qui le qualifient de cliché sur patte, il y a de quoi faire, il y a de quoi vous tenir à l'écart.


Je ne sais donc pas vraiment à quoi m'attendre, à un film en noir et blanc, certes, qui parle de jeunes de banlieue en conflit avec la société, mouerf. Je dirai même, mouerf, mouerf. Un mouerf pas très convaincu donc.


Des images d'archives sur du Bob Marley, en tout cas c'était clairement pas l'intro auquel je m'attendais. Mais après avoir vu la vidéo d'Usul sur la police (interessante mais avec beaucoup de partis pris) et l'affaire Théo, tu te sens comme un poisson dans l'eau. Que ce soit 1995 ou 2017, il y a des motifs qui bizarrement se répètent.


Je passe rapidement sur l'esthétique, il y a quelques beaux plans mais le noir et blanc fait cache misère, le montage des heures se veut dynamique alors que le rythme est relativement lent. Mais le point n'est pas là, ce que la Haine réussit bien, c'est justement ce rythme lent pour un quotidien vide qui se cherche un sens. Notre trio errent d'un point à l'autre, tout ce qu'ils veulent c'est s'occuper, trouver un truc à faire de leurs heures et de leurs vies. On tombe dans un absurde déroutant et réel où ils jouent tous un rôle dont ils ne peuvent pas sortir, allant de rencontres en rencontres, alimentant ce grand questionnement du flingue.


Cette arme laissée derrière soi par la police, un butin, une revanche. Un poids à porter aussi pour nos compères. C'est un trophée qu'on exhibe et une faute qu'on cache dans des vêtements de sport trop grands. Faut-il l'utiliser ? Aura-t-on les couilles ? Contre qui ? Pourquoi ? Est-ce-que ça changera quoi que ce soit ?


Et ça part de la Haine. Celle qu'on hérite, qu'on construit. Car il vaut mieux être haineux qu'être vide, être vide c'est être soumis, être soumis, c'est être complice et mort.


J'ai utilisé le mot absurde car tout le film repose sur cette idée d'une impasse, notamment celle de la communication mais aussi celle de l'évolution. On te répète pendant tout le film que l'important c'est l'atterrissage, mais je préfère le mot impact. Déjà car visuellement tu imagines d'avantage le corps écrasé dont le sang gicle après avoir répété que jusqu'ici tout allait bien et d'autre part car quand le but de ton film c'est de transmettre un message, il me semble que l'impact c'est ton but, tu vises la chute.


Je conclurai donc sur cette chute, le film avec son rythme flottant amène de manière curieuse à cette scène finale qui ne dégage pas la quintessence de haine qui aurait permis de justifier ce titre. Dans l'ensemble un bon film qui n'aura pas tenu à l'ombre de son mythe.

Cmd
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le 21 févr. 2017

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