Hier soir, mercredi 2 septembre, la cinémathèque a diffusé La horde sauvage, l'oeuvre culte de Sam Peckinpah (qui comporterait 3600 plans, rien que ça). Bien entendu, je possède déjà le film en DVD et l'ai visionné de nombreuses fois. N'empêche que sur grand écran, avec un son (en VO sous-titrée) top moumoute, j'avais l'impression de le redécouvrir.
Côté casting, y a du lourd : William Holden (Network, Sunset boulevard, la tour infernale), Ernest Borgnine (Les vikings, Supercopter - je rigole), Robert Ryan (La chevauchée des bannis, Les professionnels), Ben Johnson (Guet-Apens). J'ai à peine reconnu Edmond O'Brien (Mort à l'arrivée), tellement il est grimé dans le rôle de Freddy Sykes.
La horde sauvage tranche par sa violence et l'aspect à la fois cru et cruel des moeurs de l'époque western. Comme dans les films de Leone, il n'y a pas de "bons", les gentils sont juste un peu moins pourris que les très méchants qui ne reculent devant rien pour satisfaire leur avidité. Mais globalement, tout le monde se trouve dans une logique de survie transcendant toute forme de moralité.
D'emblée, Peckinpah pose un regard dépourvu d'angélisme sur les diverses couches sociales : les hommes de Harrigan, dont Thornton (Robert Ryan) sont, pour la plupart d'entre eux, des chasseurs de primes charognards. Alors qu'ils ont pour but d'empêcher la bande de Pike (William Holden) de braquer la banque, ils tirent dans le tas et tuent un nombre incroyable de civils que Coffer et TC dépouillent sans vergogne. On en déduit que ces "bounty hunters" ne valent pas mieux que les bandits qu'ils sont censés arrêter.
Un tout petit plus tard, on se rend compte que Harrigan lui-même est une ordure arriviste qui tient Thornton en otage, lequel est prêt à tout, même à traquer Pike, pour ne pas retourner en prison où il s'est fait torturer. La scène des enfants qui prennent un malin plaisir à faire brûler fourmis rouges et scorpions confirme cette condamnation sociale : tous cruels et brutaux de père en fils.
Après avoir posé ce postulat introductif, Peckinpah déroule son récit : la fuite de la bande de Pike, sa poursuite par Thornton et les vautours de Harrigan, la retraite au village d'Angel, près d'Agua Verde et la rencontre avec Mapuche, tournant scénaristique décisif. Pour info, Mapuche (général autoproclamé, cruel, stupide et aussi suiffeux qu'alcoolique) fait partie des troupes du général Huerta, opposé à Pancho Villa. Cela situe le récit autour de 1913, 1914, comme il était une fois la révolution de Sergio Leone. Et je n'en dis pas plus sur le récit, sinon, je spoilerais, ce qui serait criminel.
Je terminerai mon propos par une interprétation très personnelle de la violence si polémique qui caractérise La horde sauvage.
En premier lieu, celle-ci repose sur l'observation sévère d'un genre humain peu honorable, servie par un humour presque noir (voir au début, l'opposition entre le prêche de la ligue anti-alcoolique, pendant que les enfants jouent à "crame-scorpions" et que braqueurs et contre-braqueurs dessoudent des civils).
D'autre part, la violence sert le côté hyper pragmatique des personnages. Tout comme Zorba le grec, qui annonce comme une ligne de conduite : "Dieu nous a donné des mains pour prendre" : dans La horde sauvage, on veut du pognon, on braque, ou on dépouille des cadavres (selon la bande dans laquelle on se trouve) ; on veut du plaisir : on se tape des putes (avec l'argent des braquages) ; on cherche l'exaltation : on attaque des trains.
Petite nuance, quand on a épousé le camp des ordures (les militaires de Mapuche), on picole et une fois tout bourrés, on tire des cartouches partout et on torture pour le plaisir.
Si montrer des femmes tuées de balles dans le dos choque toujours autant depuis la sortie du film en 1969 (trois ans après la fin du code Hays), cela renforce le côté réaliste de l'époque dépeinte et la crédibilité du film, dont le final justifie tous les éloges.