La Leçon de piano de Jane Campion est un film qui est parvenu à se consolider une très belle notoriété, une très belle réputation au fil du temps. J'en ressors satisfait avec tout de même de la déception compte tenu du potentiel plus important qui fut malheureusement inexploité selon moi.


Le film jouit de qualités indéniables, il s'appuie sur une excellente photographie avec un bel environnement, des décors intéressants, des costumes soignés et de somptueuses notes de musique pour accompagner le tout. L'histoire m'a vraiment intéressé à titre personnel, je trouve que Jane Campion parvient à nous plonger comme il se doit dans un univers féminin, je veux dire, elle réussit cette immersion au cœur du regard d'une femme dans une situation particulière au XIXe siècle. Tout cela est très bien retranscrit.
Le piano, élément central du film, devient un prétexte à l'émergence de cette histoire d'amour impossible qui finalement va se concrétiser par la suite, tout ça accentué par la dimension tragique de ces notes musicales qui accompagnent très bien l'œuvre en elle-même. Les derniers plans du film avec la symbolique autour du piano au fond de l'océan sont bien mis en scène, j'ai trouvé ça intéressant et ça conclut le film d'une façon qui s'entend, qui se comprend, une conclusion tout bonnement possible.


On a alors un sujet intéressant, une belle photographie avec de beaux plans poitrine ou gros plans, donc qu'est-ce qui peut coincer ? Eh bien je dirais qu'il s'agit plutôt de l'exécution de cette histoire.


Ce sont peut-être des réserves tout à fait personnelles que je vais formuler sur le film mais je tiens tout de même à les partager. Si l'histoire est intéressante - bien que très simple dans ce qu'elle raconte -, je n'ai finalement pas été emporté comme le voulait la réalisatrice dans la vie de cette femme. Je trouve que les transitions entre les différents moments qui composent le film sont souvent trop rapides, trop hâtifs. On passe vite d'une scène à l'autre alors qu'il y avait le moyen d'en prolonger certaines pour accentuer des moments de malaise ou des moments d'ambiguïté entre le personnage de Ada et de George. J'ai le sentiment que tout est expédié rapidement, et même s'il y a bien l'idée d'une progression dans leur relation qui se crée avec toutes les subtilités qu'elle impose, je trouve qu'elle aurait gagné à être sublimée par une meilleure gestion de la temporalité en ajoutant des moments de finesse entre les deux.
De même, j'ai trouvé la relation entre Ada et son mari malheureux Alisdair un peu trop simpliste et manquant cruellement d'intérêt. A ce propos, Sam Neill est selon moi très en-dessous du reste du casting. Certaines scènes avec lui sonnent faux, son personnage a peu de relief, peu de consistance, peu de présence à l'écran, son jeu est globalement limité, il manque de crédibilité. Dommage, le film aurait gagné à jouer sur différents tableaux avec le même degré de subtilité qu'il pouvait y avoir entre le personnage de Ada et celui de George.
Je suis aussi plutôt réservé sur certaines scènes que je trouve trop mélodramatiques dans le mauvais sens du terme, notamment celles du début à la plage où tout est fait pour que seul le piano soit abandonné (ce qui paraît un peu absurde). On sent que le début des problèmes est un peu tiré par les cheveux, uniquement pour faire émerger une situation dramatique et c'est trop visible à l'écran. En tout cas c'est l'impression que ça m'a donné, ce qui dérange un minimum car ça semble pas toujours très naturel, pas toujours limpide mais forcé. Il y a donc plusieurs scènes entre Ada et Alisdair qui m'ont semblé elles aussi peu crédibles, comme si elles manquaient d'une forme d'intensité authentique. J'ai eu ce ressenti à différents moments, ce qui a contribué à gâcher mon expérience cinématographique et mon ressenti général sur le film.


La Leçon de piano est un bon film à n'en pas douter, mais est-ce un grand film ? Je ne sais pas, je ne pense pas à titre personnel, et j'en veux pour cause certains effets mélodramatiques parfois maladroits et une exécution expéditive d'éléments qui auraient mérité d'être davantage travaillés, affinés à mon sens quand on a la prétention de créer une œuvre avec une finesse poétique et une tonalité dramatique.

Tystnaden
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le 26 déc. 2020

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Tystnaden

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