Le genre du film de guerre a donné naissance à de nombreux chefs d’oeuvre, abordant les grands conflit de l’humanité de plein de façons différentes, dans le but de sonder la nature des Hommes. Et même si chaque film de guerre a ses propres spécificités, force est de constater que La Ligne Rouge est unique en son genre. Nous serions tentés de dire que rien n’est plus normal lorsque l’on parle de Terrence Malick. Cependant, les vingt années qui séparent Les Moissons du ciel et La Ligne Rouge semblent également avoir eu pour effet de radicaliser, en quelque sorte son cinéma. Ses deux premiers films, bien que témoignant déjà d’un goût certain pour l’esthétisation et la construction des plans, n’allaient pas aussi loin que La Ligne Rouge et les films qui suivent. Les premières minutes du film sont captivantes, montrant un soldat déserteur vivant avec des Mélanésiens, en harmonie avec la nature, comme dans une sorte de jardin d’Eden où tout est beau et simple.


Rapidement, l’arrivée des bateaux de guerre va nous plonger dans une ambiance toute autre, au milieu des soldats, des armes et des bombardements. Un Enfer dont on imagine déjà l’allure mais qui, pourtant, chez Malick, aura une apparence toute autre. La guerre n’est ici pas qu’une question de tirs, d’explosions, de cris, de blessures et de morts. Evidemment, ces composantes sont essentielles et feront partie du film. Mais il va s’agir, pour Malick, d’associer la contemplation de la nature et de son immensité, aux pensées des soldats et à leur réflexion sur la guerre et leur place dans le monde. Malick ramène les Hommes à l’échelle de petites fourmis grouillant dans les hautes herbes, écrasées par une nature immense qui les observe, et dont ils se sont irrémédiablement éloignés. En son sein s’expriment ces âmes perdues, qui cherchent leurs racines.


C’est, probablement, le point le plus surprenant et le plus remarquable dans La Ligne Rouge. Malick joue avec les échelles, avec des arbres immenses, des plans larges montrant les soldats avançant dans les hautes herbes, pour faire de la nature l’observatrice de ces petits hommes qui jouent aux seigneurs et aux rois du monde. Le conflit, quant à lui, est secondaire, comme en témoigne la volonté du cinéaste de ne pas donner de visage, avant les deux tiers du film environ, à l’ « ennemi » japonais. La nature est immense et immuable, et même si elle est affectée par le passage de l’Homme, elle demeure, quand les hommes meurent sous les tirs et les bombardements. Ainsi, La Ligne Rouge se présente comme un film de guerre, mais le recul qu’il prend sur cette dernière est tel, que ne le résumer qu’à un film de guerre paraît réducteur.


Malick prouve, avec La Ligne Rouge, sa grande maîtrise et, aussi, son respect envers la nature et les forces qui nous dépassent. Il confronte la vie traditionnelle des Mélanésiens, en communion avec la nature, en paix et allant à l’essentiel, à la superficialité des américains, et même des japonais, se battant les uns contre les autres pour des bouts de territoire qui ne les appartiennent pas, et qui ont oublié de vivre en harmonie avec la nature. Et si le casting de La Ligne Rouge est impressionnant, le film est loin de ne miser que sur celui-ci, bien qu’il soit tout à fait à la hauteur. Invitant à la contemplation pendant près de trois heures, ne manquant pas d’être brutal autant qu’il s’avère poétique, La Ligne Rouge représente définitivement un élément à part dans le genre du film de guerre, mais est, au-delà des considérations de genre, un grand film.


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le 21 juil. 2019

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