L’homme coupé en deux, est mort d’une balle dans le dos

Une journée ordinaire au sein de Radio France, tel est le propos du nouveau film documentaire de Nicolas Philibert : La Maison de la Radio. De la matinale au programme de nuit, nous suivons plusieurs émissions et les nombreuses personnes qui les préparent.

Ce qui frappe au premier abord, c’est ce flux permanent dans lequel ces travailleurs pénètrent chaque jour. Cette fourmilière est présentée dès le début avec un enchaînement de plans courts sur des journalistes à l’antenne, synchronisé avec leurs voix superposées. Ce prologue nous immerge immédiatement dans le film, et montre ce à quoi il ressemblera dans sa totalité : un ensemble de vignettes sans véritable lien. En effet, ce postulat de départ ne fonctionne pas sur la durée. 1h43 sans fil conducteur ni enjeu, c’est trop long pour réussir à maintenir l’illusion d’une journée au sein de cette immense radio.
Cependant, ces vignettes sont toutes plus sympathiques les unes que les autres et c’est avec plaisir que nous découvrons le quotidien de ces travailleurs passionnés (à l’image de Babette, la standardiste qui se fait offrir une bouteille de champagne par un auditeur, tous ces employés qui sont présents à 3h du matin pour préparer la journée à venir, et sans oublier l’authentique mélomane Frédéric Lodéon). Ainsi, nous ressentons la bonne humeur qui règne dans ce lieu : il faut voir tout ce monde saluant Jésus, lorsque celui-ci traverse les couloirs pour servir les petits-déjeuners. Ce plan cocasse n’est que le premier d’une série de scènes très amusantes.
Car l’humour est bien le point fort du film de Philibert. Ce-dernier crée le rire par des choix purement cinématographiques. D’une part, grâce au montage, en faisant se succéder des plans fixes de différents enregistrements qui sont interrompus par le bruit des travaux. D’autre part, en adoptant un certain angle de vue : pendant l’interview de Lodéon, c’est à hauteur de disques qu’il filme pour accentuer la sensation de surgissement à travers ses nombreuses piles. Mais aussi, en choisissant d’accorder plus d’importance à des personnages en particulier, comme la pétillante Marie-Claude qui commente les informations avec sa touche bien personnelle ou bien Marguerite la réalisatrice pleine de spontanéité, sans qui nous n’aurons jamais su qu’un cercueil…c’est lourd !

Même si l’humour est l’intérêt majeur du film, il faut reconnaître à Philibert une certaine audace dans sa recherche de capter le son par l’image. Il y arrive partiellement en ayant une bonne utilisation du hors-champ et en retranscrivant le mystère des voix (notamment lors de l’enregistrement d’Eric Caravaca, dont on découvre le visage après sa voix).
AudeM
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le 27 mai 2013

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