Après m'être remplis la panse durant les repas familiaux de Noël, je cherchais à équilibrer en m'enrichissant avec de nouvelle découverte gustativo-culturel. Ayant un appétit d'ogre en ce qui concerne le cinéma, je décidais donc de partir à la recherche d'un nouveau réalisateur. Au grès d'internet, je tombe sur un réalisateur japonais de série B dont je n'avais aucune connaissance jusqu'à présent. Bien entendu, dans ce cas je me dirige vers wikipédia pour savoir qui est ce Seijun Suzuki. Je commence à lire sa biographie, assez longue, ce qui me permet de me dire que c'est certainement quelqu'un d'assez important et que donc ma culture cinématographique à encore besoin de s'étoffer. Le premier point positif est qu'il est un réalisateur de polar ce qui ne peux que me plaire. Le second est qu'il a une influence juger considérable sur des gens comme Jarmush ou Tarantino. Puis mon excitation augmente encore plus lorsque l'auteur de l'article le compare à l'un de mes réalisateur favoris, Jean-Pierre Melville. Cet argument est imparable pour moi et je décide donc de regarder « La marque du tueur » qui est si j'ai bien compris l'un de ses plus grands films.

(Quelques heures plus tard)
Lorsque je sors d'un film ma première impression est toujours vague. Il me faut du temps pour digérer, analyser ce que je viens de voir. Je fume donc une cigarette tout en réfléchissant à ce film. Partant d'un canevas classique dans le genre du film noir, le tueur à gage qui devient une cible à son tour, Suzuki insuffle quelque chose de totalement nouveau. L'histoire n'a donc que très peu d'intérêt, elle est tout ce qu'il y a de plus basique. La narration reste linéaire et aucune surprise n'attend le spectateur si il est habitué au genre.
La surprise est donc ailleurs, le film est au départ troublant par son montage, rapide, avec beaucoup d'ellipse qui peuvent perdre le spectateur dans une spirale de plan. J'aime ce genre de montage qui me bouscule, me tiens en haleine, et ne me laisse pas le temps reprendre mon souffle dans le but de nous mettre dans l'état psychologique proche de la folie du héros.
Si le montage est presque surréaliste et bouscule le spectateur tout cela est contrebalancer par une image, un cadrage classique avec un noir et blanc somptueux, totalement maîtrisé par le réalisateur. Impressionnant de maîtrise, Suzuki est donc parfaitement en mesure de jouer avec la technique pour nous emmener dans un univers totalement fou.
Suzuki à la marque des grands réalisateurs, il ne fait pas que recopier un genre qui est codifié mais il essaye de le faire soi, il se joue des codes pour en donner son interprétation. Le premier point est la description des personnages. Les personnages sont aussi taré que le montage. Il y a dans ce film un coté totalement absurde. Entre Hanada qui se shoot à l'odeur du riz entrain de chauffer. Une femme qui collectionne les papillons et épingle des oiseaux morts. Un tueur N 1 qui se pisse dessus pour ne pas faillir au code et rester professionnel. Suzuki décide de tourner ce monde des yakusas en dérision pour mieux le critiquer et montrer leurs bêtises. Il le fait par la création de personnages surréaliste mais aussi par la mise en situation. Surtout dans la seconde partie de son film où l'histoire tourne à l'absurde lorsque N 1 décide d'épuiser psychologiquement Hanada.
Ce qui n'amène à un autre point: celui du temps. Suzuki tout au long du film joue avec la notion de temps, le raccourcissant à coup d'ellipses dans la première partie puis l'allongeant lors de la seconde partie avec les scènes avec Misako puis avec le duel contre N1. Ce travail sur le temps amène se coté iréel, surréaliste et absurde.

Pour ce qui est de la comparaison avec Melville, elle est assez logique. Ce sont deux réalisateur contemporain qui donnent leurs vision d'un genre totalement codifié: le polar. La même année sort « Le Samourai », chef d'œuvre melvillien par excellence. Les points communs sont assez nombreux entre les deux films. D'abord les deux films reprennent exactement le même canevas. La stylisation à outrance rendant le monde qui entoure les deux tueurs à gage solitaire surréaliste. La création d'un héros solitaire. L'utilisation des décors est le même. Tout deux ont un goût pour l'architecture fait de grande tour dans un style année 70, minimaliste et déshumanisant.
Et puis surtout ce sont deux réalisateurs qui utilisent le genre du polar pour en le réinterpréter et en donner leurs visions personnel. Bien entendu il y a d'un coté la forme dramatique et poétique de Melville et de l'autre l'utilisation de l'absurde et de la folie pour Suzuki. Et puis Melville crée un personnage assexué alors que celui de Suzuki est hyper sexué. Enfin "Le samourai" est totalement maîtrisé, cadré, c'est un film nostalgique du cinéma américain des années 40. Au contraire "La marque du tueur" est un film pop, ancré dans son époque. Tout deux prennent des chemins différents pour en arriver à la même conclusion, la mort tragique du héros. Les deux films sont des expériences filmique incroyable. L'un est un grand vin millésimé qui nous rappel des saveurs d'antan, l'autre du LSD qui excite l'imagination jusqu'à la folie. En résumé peu de différence entre Hanada et Jeff Costello.
Belane
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le 29 déc. 2013

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