La Mort en direct, c'est le digne ancêtre de Black Mirror et consorts. Un bijou scénaristique plutôt que cinématographique, tant les thématiques abordées priment sur la réalisation.


Ce que j'ai apprécié dans ce film plutôt lyrique, c'est le scénario, ou plutôt le traitement des thèmes abordés : comment et pourquoi filmer la mort ? Pourquoi assister à la mort de quelqu'un, pourquoi assister quelqu'un ? Comment peut-on se vautrer dans le cynisme désabusé ou dans l'indifférence égoïste ? Comment peut-on se cacher derrière l'excuse de la distance et de l'impuissance : "ça me touche, mais je n'y peux rien, c'est à télé, et ce n'est pas à moi d'y faire quelque chose" ? (ou sur le net aujourd'hui, je me dis : c'est qu'une vidéo, là maintenant j'y peux rien, ou j'ignore en ''scrollant'' un post de quelqu'un que je ne connais pas / à qui je ne parle jamais ...) Si c'est un sujet assez banal bien que fort, c'est la façon dont il est décliné qui le rend éminamment intéressant : tout part des émotions des personnages, et de quelques unes de leurs paroles. En plus de ça, il y a le questionnement sur les rapport de la télévision à la réalité, qui me semble être un poil précurseur, à l'époque où la télé-réalité pointait tout juste le bout de son nez. C'est pourquoi on a pu qualifier le film de visionnaire, précurseur ... Si c'est loin d'être le seul film à s'être intéressé à ces questions, c'est sa maestria, sa richesse subtile, qui le distingue. Ce thème implique aussi de parler des limites entre le public et le privé : comment vit-on l'omniprésence de la caméra ? Des paparazzis ? (Aujourd'hui c'est : comment vit-on l'omniprésence des téléphones portables et des réseaux sociaux ?) Au-delà, qu'est-ce qui concerne nos proches, ou même les inconnus, et qu'est-ce qui concerne uniquement nous ? Comment vit-on d'être la victime/le sujet, le bourreau/le maître d'oeuvre, ou même les spectateur/voyeur ? En voilà des questions intéressantes, et terriblement d'actualité, à l'ère des réseaux sociaux.


L'univers du film est choisi avec intelligence : un monde futuriste somme toute pas bien différent du nôtre. Si cet univers reste assez vague, c'est parce qu'il est là avant tout pour justifier l'émission "La Mort en direct", et donc tous les thèmes abordés. Situer l'action dans un endroit peu différent de notre quotidien (enfin, celui du spectateur de 1980) est un point de vue plutôt réaliste, et un choix qui a pour conséquence de rapprocher le film du réel et donc du spectateur, ce qu'on voit nous paraît moins hypothétique et le traitement des thèmes est plus concret.


En revanche, le cheminement narratif m'a paru un peu longuet : on est dans l'action, puis dans l'émotion, on prend à peine le temps de faire une remarque psychologique, sans approfondir, car au plan suivant on passe déjà à autre chose.
La façon de filmer m'a paru fastidieuse, l'esthétique et certains aspects de la réalisation ne m'ont pas particulièrement émoustillé. D'où la note de 6 (seulement).

Nomei-Pando
6
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le 13 nov. 2018

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Nomei-Pando

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