Un road-movie existentialiste de toute beauté

A 88 ans, il est le seul acteur qui tienne autant la dragée haute à n’importe quel malabar, toujours cette droiture, même si les épaules ploient légèrement sous les effets du temps, la mâchoire serrée, sorte de signature de sa pensée face à l’adversité, il continue à faire la nique aux ravages que les années tentent d’exercer sur sa carcasse.


Cette fois il incarne un vieil homme qui au crépuscule de son existence, tente de réparer les cicatrices d’une vie qu’il a passé à trop oublier l’essentiel et à ériger sa propre personne dans une sorte de reconnaissance. Des actes manqués, des grands moments de la vie des siens qu’il a laissé passer sans vraiment prendre le temps de les appréhender pour ce qu’ils étaient.


Certains on pu lui reprocher certaines prises de position dans ses films précédents, n’allant la plupart du temps pas dans le sens de la déontologie idéologique bien-pensante, leur tordant parfois subtilement le cou, parfois moins, mais avec toujours ce sens de l’autodérision et cette facilité avec laquelle il imprime systématiquement toutes ses œuvres d’une aura propre.


Préférant l’introspection et l’autocritique sans jamais céder aux facilités et à une morale en vogue, il fait une sorte de nouveaux grands bilans d’une vie passé sans ne jamais sombrer dans le fatalisme et la rengaine, et envoie par la même occasion subtilement bouler les sectarismes de tout poil.


C’est en utilisant certaines ficelles d’un des genres fondateurs du personnage Eastwood, le polar en l’occurrence, avec cette histoire de cartel mexicain, qu’il illustre magnifiquement ce film d’une ode subtil et esthétisante aux grands espaces américains et à la musique de route de par une mise en scène épurée aux plans de toute beauté. Quasiment rien n’est de trop, même si on peut lui reprocher quelques légères fautes de goût scénaristiques.


Et c’est toujours avec sa droiture caractéristique, qui n’a pas peur d’elle-même et n’a pas à s’en justifier, qu’il nous offre une sorte de film testament qui est avant tout un road-movie aux accents existentialistes prononcés qui ne tombe jamais dans la caricature ou les émotions faciles, à moins que certains trouvent que se recueillir près du lit de son épouse mourante est un acte larmoyant facile… et imprime définitivement sa nature trompeuse de faux implacable au cœur gros comme ça.

philippequevillart
8

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le 2 févr. 2019

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