« Après celui-là je raccroche, c’est promis… »

C’est peu dire si je ne l’attendais pas ce film…
Entre les déclarations du grand Clint qui disait au lendemain de « Gran Torino » qu’il ne réapparaîtrait plus jamais devant une caméra, et de l’autre côté deux derniers films (« American Sniper » et « 15h17 pour Paris ») vraiment pas engageants, je n’étais clairement pas demandeur d’un nouveau Eastwood… Mais bon, peut-on décemment tourner le dos au réalisateur de « Million Dollar Baby », « Mystic River » et « Un monde parfait » ?
Je suis donc allé la voir cette « Mule », et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce film s’impose rapidement comme un film clef dans la filmographie de l’auteur.


Au-delà de toute considération formelle, on sent l’envie de livrer quelque-chose de très personnel.
Difficile de ne pas faire le parallèle entre cette histoire vraie de vieux séducteur bourru qui a passé son temps à s’épanouir dans sa vie au détriment de sa famille et Clint Eastwood lui-même.
Ce film est clairement un message laissé aux siens, l’implication de sa fille dans le casting le surlignant d’autant plus.


Mais bon, la démarche personnelle a beau être honorable, on parle malgré tout d’un film là. Pour que l’œuvre me parle à moi, spectateur, j’ai besoin que ce mea culpa sache toucher à une certaine forme d’universalité.
Sur ce point, l’ami Clint a su user de son savoir-faire légendaire.
C’est propre. Efficace. Posé. Une réalisation sobre au service de son personnage central : lui-même.
Beaucoup de choses reposent donc sur la qualité d’écriture du personnage d’Earl Stone et fort heureusement, Eastwood évite le trip égotique qui cherche à se justifier.
Il ne s’épargne pas. Il montre ses faiblesses sans détour. Mais il sait aussi se rendre suffisamment humain et sympathique pour qu’un bon équilibre s’impose.


Bref, rien à redire. Tout fonctionne comme sur des roulettes.
Peut-être même trop d’ailleurs…
Parce que si j’avais à faire un seul reproche à cette « Mule » ce serait bien celui-là : il est balisé du début jusqu’à la fin. Aucune surprise.
On comprend très rapidement de quoi il est question et de comment les choses vont évoluer.
Il n’est d’ailleurs pas rare de se retrouver avec des dialogues sans nuance qui exposent de manière explicite les intentions de l’auteur.


(« J’ai gagné beaucoup d’argent, mais tout ça ne m’a pas permis d’acheter ce dont j’avais le plus besoin : du temps. » Mouais… Un peu plus de subtilité sur ce coup-là, ça n’aurait pas fait de mal perso…)


...
Alors après, est-ce vraiment un problème ?
En ce qui concerne : pas tant que ça. J’aurais presque envie de dire que ça fait partie du genre.
Cette « Mule » est clairement pensée, écrite et réalisée comme un classique, c’est-à-dire un film qui, certes, récite une partition connue, mais qui la récite bien, ce qui n’est jamais désagréable.
Rien de transcendant donc, mais je ne vais pas non plus bouder le bon moment que j’ai passé.
Après tout, au-delà de la maitrise globale de l’ouvrage il y a quand même dans ce film un testament qui se pose là.
Et pas n’importe quel testament.
C’est celui d’un grand bonhomme du cinéma américain.
Et rien que pour cela, cette « Mule », elle vaut le déplacement…

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le 29 janv. 2019

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