Presque touchant.

On sent une envie de bien faire, une envie de prendre du recul sur une vie admirablement bien remplie. Clint Eastwood qui réalise La Mule, c'est comme votre arrière grand-père adoré. Il entend plus rien, il bave, il a des histoires passionnantes même si c'est toujours les mêmes, il radote des conseils bateaux, il critique votre génération qui n'a aucun mérite. Mais vous l'adorez, il vous touche, il vous fait rire, vous vous dites que très bientôt il vous manquera.

J'ai passé toute la séance à chercher des excuses au film, mais franchement il m'a pas aidé.

 C'est l'histoire d'une Mule de 80 berges. Lent dans la démarche, mais plein de ressources du fait de son expérience. Les bras ballants devant un téléphone portable, mais jamais fatigué par la route. On a un flic, antagoniste miroir, symbole de jeunesse, plongé et doué dans son travail comme a pu l'être l'ancien auparavant. On nous vend un duel légendaire. On aurait pu tirer plein de scènes de tensions de ce synopsis.

Et s'il n'y avait que le synopsis...

 Le film ne cesse de se tendre des perches qu'il n'utilise pas, ou mal. Je prends pour exemple la scène du flic et son chien, inutile au possible. Le téléphone portable, dont les appels soit disant cruciaux viennent pile (et uniquement) au moment où il est avec sa femme, laisse moi rire. Le fait de rabâcher la difficulté des SMS pour Clint, jamais exploité. On voyage de situation en situation, au démarrage intéressant et au final pétard mouillé.
  Et quand bien même le film aurait réussi à créer des scènes pleinement intéressantes (ce qui n'est pas le cas), la tension retomberait très vite au vu du néant psychologique que sont chaque personnage. Prenez toutes les scènes au commissariat, prenez cette phrase "On veut des résultats !", vous avez pratiquement tout vu concernant les flics. A chaque scène on a l'impression d'avoir affaire à des robots qui ont l'interdiction d'avoir l'air vivant... Attention ! La menace fantomatique de l'insigne policière ne me dérange pas dans l'idée, mais là ce n'est clairement pas l'intention, autrement pourquoi donner des motivations à Bradley Cooper ? Travailler ses personnages et ses dialogues ça aide en général, cela permet d'éviter des scènes comme celle ou le chauve barbu explique à Clint que les règles ont changé du fait du nouveau patron. Scène faussement longuette et dramatique, qui veut te faire croire que c'est triste parce que le pauvre fiston Julio ne sera plus gentillet et intime avec papy Clint. Spoiler : Il n'a jamais été gentillet et intime.

Et je parle même pas de ce dialogue foiré sur la terrasse de la villa du Cartel, où Clint débarque après avoir tiré son coup en mode "Voici mon conseil : La famille c'est bien."
D'ailleurs, en parlant de tirer son coup, quel est le fuck ? Le personnage démarre son ascension en t'expliquant que c'est juste pour survivre, seulement si nécessaire. Alors pourquoi avoir par la suite insisté deux fois sur le fait d'avoir des prostitués à disposition ? Je suis pas contre le fait qu'un ancien puisse encore s'amuser. Mais concernant ce film, cela va à l'encontre de son parcours en tant que personnage.

Un mauvais pressentiment.

 L'intrigue avait à peine démarrée que, déjà, j'avais un problème avec le personnage principal. Je n'arrivais pas à comprendre ses motifs. On nous vend un père/grand-père ayant mis des distances avec sa famille au nom de son travail et de sa renommée. Bon alors déjà, une carrière de pépiniériste on repassera, et puis, quelle carrière ? Rien n'indique un quelconque succès si ce n'est un prix remis à la salle des fêtes de Saint-Gervais les Bains... Pas de murs couverts de prix d'exception, une maison pourave, une poubelle à 4 roues pour voiture, où est ce que t'a vu une carrière Clint ?

Tout indique un faux motif qui amènera à une révélation plus tard dans l'intrigue. Mais non, rien.

 Et puis on en arrive à cette morale, la famille avant tout. Excuse moi mon grand, mais c'est non. Rien n'explique le fait que t'a pu être un connard par le passé... si ce n'est être un connard, tout simplement. Rien ne t'excuse, rien ne donne du crédit à tes dialogues mielleux. Et surtout, rien ne te donne le droit d'avoir cette nouvelle reconnaissance et amour de ta famille, ainsi qu'une magnifique pépinière à ta disposition jusqu'à (vraisemblablement) la fin de t'es jours.

Clint Eastwood nous toucherais presque dans sa démarche maladroite et en retard sur son temps. Seulement, avant de rabâcher critique sur critique des nouvelles générations, il s'agirait peut être d'avoir un discours qui tient la route.