La part des anges est en soit une bonne surprise, parce que c'est une comédie ratée. Rien, absolument aucun gag n'est drôle dans ce film (si ce n'est une seule séquence peut être), c'est d'un sérieux abyssal. Mais si cette comédie rate le coche, elle réussit sur tous les autres tableaux (et c'est là que ça devient intéressant, puisque c'est ce qui manque cruellement à notre cinéma français boursouflé de comédies aussi prétentieuses que futiles). Le contexte social (les condamnés aux travaux d'intérêt public) aborde tout un pan de la justice quotidienne qui est rarement sous le feu des projecteurs (la petite délinquance, les petits accrochages de quartier...), et il y trouve une force et une fraîcheur qui donnent dans l'inédit, et qui donc intéresse. Pareil pour ce qui est de la découverte du monde du Whiskey, le film s'attaquant au sujet avec déférence à son sujet, utilisant du vocabulaire adéquat et se fendant d'une bonne introduction dans ce monde de l'alcool. Pareil dans l'enjeu principal (à savoir le braquage d'un fût dont la liqueur est estimée sans prix), qui s'attaque avec astuce à son sujet, plutôt doué pour transposer les enjeux habituels des films de gangster dans le monde des spiritueux. Le parcours de nos personnages, atypique, se révèle donc dépaysant comme il le faut, suffisamment en tout cas pour attendre le happy end de rigueur (enfin, à quelques imprévus près). Enfin, et c'est là le principal atout du film : son personnage principal. Il s'agit d'un ancien voyou, récemment maqué avec une fille de riche qui attend un enfant de lui. Menacé par la famille de cette dernière et par plusieurs autres jeunes adultes de son quartier, pouvant être incarcéré à la moindre incartade, le film trouve là son contexte social le plus vibrant. Celui d'un ancien junkie qui tente de quitter les squats pour offrir une vie décente à sa toute jeune famille, et qui lutte contre vents et marées, à savoir l'hostilité des proches de sa compagnes et ses erreurs du passé. Pas mal de découragements et de coups durs qui vont davantage pencher le film vers le drame que vers la comédie, et qui pour le coup développent assez finement les enjeux (alors que, dans le contexte des quartiers défavorisés, beaucoup de films prônent l'auto-défense, La part des anges, par la menace constante du retour de bâton de la Justice, rend la tâche plus hardue, plus dure en somme. D'ailleurs, le constat qu'il fait sur les victimes d'agression est brutal, la victime reste bloquée sur sa douleur, et rien ne peut réparer les séquelles. Il n'y a que la fuite en avant en somme. D'une sincérité qui fait mouche, jamais embarrassé de lourdeurs de dialogues ou de comique déplacé, la part des anges est une excellente comédie ratée, avec des personnages attachants et une certaine chaleur humaine. Le côté immoral du braquage est d'ailleurs finement contourné, dans la mesure où le produit est vendu visiblement à un amateur qui a quand même un whiskey qu'il apprécie au final (amusant comme, dès que c'est mis sous les projecteurs, le tout-venant devient exceptionnel...). Bref, un film recommandable.
Voracinéphile
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le 28 oct. 2013

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Voracinéphile

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