Un film froid, glacial dans tous ses recoins "les répliques, le décor impersonnel, la pâleur cadavérique d'Isabel Huppert". Haneke reste fidèle à ses coutumes et prend comme à chaque fois un malin plaisir à isoler le spectateur, le séquestrer dans le film. Certaines scènes sont relativement violentes et lugubres mais on reste, on ne bouge pas car le réalisateur nous a enchaîné et fait de nous un personnages à part entière. La pianiste est une oeuvre sensationnelle dans la mesure où on est irrésistiblement attiré par la protagoniste principale sans pouvoir l'atteindre. Haneke la rend inaccessible et par moment, écoeurante, exécrable ! Quelque part, il parvient à réveiller un Walter Klemmer en chacun de nous et on se fond complètement dans la peau de ce dernier : Erika, femme flegmatique, hautaine voire désagréable nous semble inaccessible et devient ainsi l'objet d'une quête de désir. C'est à ce moment, qu'est dévoilée sa véritable nature : celle d'une femme-enfant tourmentée par des complexes sexuels archaïques, frustrée et souffrant d'une multitude de perversions : sado-masochisme, voyeurisme, fantasmes incestueux. Tout un tourbillon psychanalytique dans lequel, la mère possessive et probablement tout aussi névrosée joue une rôle déterminant.
Et la musique dans tout ça ?? la musique, Schubert en l’occurrence. La seule voie de rédemption possible pour Erika, sa seule issue salvatrice : la musique la fait vaciller, perdre le contrôle, retrouver un semblant d'humanité ... la musique est son unique lien avec la réalité mais au fur et à mesure, haneke nous livre sa propre vision des choses et nous suggère son implication dans les traumatisme primitifs d'Erika. En effet, la musique symbolisant beauté, pureté, perfection, lui échappait complètement ( à 40 ans, elle était résignée à donner des cours) en lui ôtant par la même sa beauté, sa pureté, sa perfection. Erika se hait, déteste l'image laide et immonde que lui reflète le miroir alors elle se fait du mal, se taillade le vagin, rêve de se faire battre et refuse toute manifestation d'affection venant d'autrui (elle ne laisse pas Klemmer l'embrasser malgré ses maintes tentatives, ne réagit pas à ses premiers je t'aime et n'accorde pas le moindre intérêt à sa jeune étudiante qui lui exprimait son admiration et son respect) ... Erika a horreur d'elle même et pense mériter toute la torture qu'elle s'inflige et celle que Klemmer lui infligera par la suite.
NaceriTita
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le 10 févr. 2013

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