La Pirogue par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique remaniée le 4 novembre 2021


Dans un petit village du Sénégal non loin de Dakar, les occupations vont de la pêche au football. L'insouciance semble régner et pourtant ce n'est qu'une apparence car la population végète dans une grande pauvreté. Une trentaine d'hommes rêvant d'une vie meilleure vont alors tenter le tout pour le tout afin de rejoindre les îles Canaries en pirogue. Déjà certains candidats à cet exil vers le territoire espagnol font des projets. Seul Baye Laye, le capitaine de cette pirogue, pas convaincu par l'opportunité, n'est pas décidé à prendre la mer. Il semble connaître les limite de son embarcation par gros temps. Contraint et forcé il prend le départ contre vents et marées et ce voyage ne sera pas de tout repos...


Nous voici donc plongés au fond d'une grande pirogue où de pauvres hommes et une femme s'entassent sans confort ni hygiène et très peu de nourriture pour un voyage de plusieurs jours. Certains découvrent l'immensité de la mer et parlent de leurs projets tandis que Baye Laye surveille d'un regard inquiet le petit moteur chargé d'affronter et la distance et les éléments.
Après un départ calme, les péripéties vont se faire jour notamment en croisant une pirogue en détresse dont la panique s'est emparée des occupants. L'embarcation de Baye Laye étant déjà trop chargée, celui-ci désabusé décide de continuer la route en gardant le cap vers les Canaries. Petit à petit la mer se fait plus violente puis se déchaîne, un violent orage éclate sur leur passage. Les trente occupants vont devoir faire face, se protéger et tenter de survivre comme ils peuvent à cette violence du ciel et bien sûr le petit moteur rend l'âme comme certains occupants de la pirogue. Les prières n'ont rien changé à l'affaire et certains sont tellement dégoûtés qu'ils ne croient plus en rien à cause de ce Dieu qui les laisse à l'abandon. La "Croix Rouge" arrive à la rescousse et prend soin des survivants hagards à leur arrivée aux Canaries. Après quelques jours de soins et de réconfort, c'est dans leur village qu'il se retrouveront rapatriés par avion. Leurs regards sont dépités, les espoirs se sont envolés et la vie de misère va continuer comme s'il ne s'était rien passé.


Faut-il parler de drame, de documentaire ou d'hommage pour qualifier ce film ? Certainement les trois car le réalisateur sénégalais, Moussa Touré, nous dépeint une situation intolérable autant pour les milliers de candidats poussés à l'exil, intolérable également au niveau de toutes ces nations "riches" qui laissent des pays croupir dans la misère en exploitant leur richesse. Voir ces gens entassés, prêts à tout et n'importe quoi pour tenter de ramener quelques sous au bout d'un voyage aléatoire est absolument révoltant et bouleversant. Il faut que beaucoup de personnes aient le cœur bien dur pour admettre toute cette inégalité sans s'indigner et sans agir. Ce film n'est malheureusement pas aussi connu que beaucoup de grosses productions d'un intérêt inégal envahissant pourtant nos écrans. Sur tous les visages il y a tant d'émotions, tant d'informations sur la douleur humaine pour nous convaincre.


Ce film est magnifiquement bien réalisé et on a ici la preuve que Moussa Touré est un cinéaste de talent tant il se montre convaincant dans cette entreprise. Du côté des acteurs, Sileymane Sey Ndiaye, le capitaine de la pirogue, est absolument sublime dans son rôle très ingrat. Les comédiens qui l'entourent ne peuvent que nous bouleverser tant ils vivent cette terrible épreuve avec cœur.


C'est avec cette piqûre de rappel que j'ouvre mon année de critiques en espérant que mes amis lecteurs trouveront cette œuvre "utile" au hasard d'une salle de cinéma touchée par la grâce ou en DVD.


Ce film a obtenu:



  • Le Prix Lumières 2013 : Meilleur film francophone
    • L'Étalon de bronze2 et Prix de l'UMEOA au Fespaco 2013

  • Le Trophées francophones du cinéma 2013 : Trophée francophone du scénario pour Eric Névé et David Bouchet

  • Le Trophée francophone de la contribution technique pour la photographie de Thomas Letellier

  • Le Trophée francophone du long-métrage de fiction


Ma note: 8/10
Box-Office France: 31 801 entrées

Grard-Rocher
8

Créée

le 1 janv. 2015

Critique lue 1.3K fois

46 j'aime

16 commentaires

Critique lue 1.3K fois

46
16

D'autres avis sur La Pirogue

La Pirogue
PatrickBraganti
5

Critique de La Pirogue par Patrick Braganti

La Pirogue, film du sénégalais Moussa Touré, fait immanquablement partie de ces films au sujet fort qui suscite auprès des spectateurs unanimité et empathie, au détriment d’un regard plus critique...

le 23 oct. 2012

4 j'aime

La Pirogue
YgorParizel
8

Critique de La Pirogue par Ygor Parizel

Ce film de Moussa Touré est vraiment fort émouvant. Il débute comme un drame sur la vie d'un pêcheur d'un village du Sénégal qui voit ses amis s'engager vers un voyage en pirogue vers l'Europe,...

le 5 août 2015

3 j'aime

La Pirogue
Jana_Chanal
8

Continuelle angoisse, dans la pirogue.

Un film prenant, angoissant. Ce que l'on ressent en le regardant est juste exceptionnel. Durant ce voyage en pirogue, partant d'un pays d'Afrique où la vie est difficile, en destination de l'Europe,...

le 14 avr. 2013

2 j'aime

Du même critique

Amadeus
Grard-Rocher
9

Critique de Amadeus par Gérard Rocher La Fête de l'Art

"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...

176 j'aime

68

Mulholland Drive
Grard-Rocher
9

Critique de Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...

166 j'aime

35

Pierrot le Fou
Grard-Rocher
9

Critique de Pierrot le Fou par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...

156 j'aime

47