Début de l'année 1968, sortait sur les écrans un film de science-fiction promis à un destin très lucratif : "La Planète des Singes", réalisé par Franklin J.Schaffner, avec Charlton Heston en tête d'affiche, soit l'adaptation d'un célèbre roman de science-fiction de l'écrivain français Pierre Boulle.
Oscar des meilleurs maquillages, critiques positives et beau succès publique à la clé vont faire que ce film connaîtra trois suites (sortie entre 1970 et 1973), une série télévisée , un nouvelle version complètement raté réalisée par Tim Burton en 2001 et enfin (last but not least!), une récente trilogie reboot entamée avec bonheur en 2011 avec "La Planètes des Singes - Les Orignies" et qui s'est clôturée en beauté cet été avec "La Planète des Singes - Suprématie".


Au-delà du destin glorieux qu'a connu ce film de science-fiction, on ne peut qu'être d'avantage conquis quand on sait que, près de 50 ans après sa sortie en salle, il vieillit plutôt bien et reste encore très agréable à regarder.
L'une des grandes forces de cette adaptation cinématographique est d'avoir su s'écarter volontairement de la trame narrative du livre tout en restant fidèle à son style à la fois romancé et réflexif.
Si "La Planète des Singes" (tant le livre que le film) peut se voir aisément comme un récit d'aventure relativement classique (le héros qui atterrit sur une planète inconnue entièrement peuplé par des singes et qui tente à la fois d'éclaircir ce mystère tout en cherchant à échapper à ces poursuivants), on peut aussi le voir comme une allégorie (peu glorieuse) sur le devenir de l'homme, voir même à une remise en question sur son supposé statut d'espèce dominante.
En cela, le héros du film, le cynique astronaute Georges Taylor (interprété de manière charismatique et bourrue par Charlton Heston) en est la parfaite personnification : Taylor, l'homme qui pense qu'il pourrait y avoir d'autres créatures tout aussi évoluées que l'homme quelque part dans notre système solaire ou ailleurs, qui ne veut s'attacher à personne, qui réagit avec une désinvolture des plus consternantes quand on lui annonce le décès en cours de voyage spatiale de sa collègue astronaute ; enfin, l'homme qui, une fois ses certitudes personnelles complètement ébranlées (la créature inconnue supposé supérieure à l'homme n'est autre que... le singe !) se voit contraint de jouer à l'animal non plus pour survivre (il est enfermé en cage et analysé de par et d'autres par des singes savants), mais plutôt se faire comprendre de ses congénères... animaux
C'est donc par l'intermédiaire de ce "héros" a piori peu sympathique que le spectateur sera témoin de ce constat de nature inversée, à savoir l'animal qui prend le pas sur l'homme au point d'en faire son propre esclave ou cobaye. C'est justement ce parti pris qui fait dire que "La Planète des Singes" est avant tout un film réflexif sur le questionnement, la question de savoir comment l'homme réagirait si, du jour au lendemain, il constatait que lui-même est aussi une espèce dominée par une autre.


Construit de manière efficace, le montage privilégie à la fois les séquences fortes (la chasse aux humains par les soldats singes constitue encore aujourd'hui une séquence à la fois spectaculaire et relativement effrayante) et les séquences plus réflexives et plus intimistes, à l'instar de celles (plutôt touchantes sans jamais être trop noeud-noeud) entre Taylor et la belle sauvageonne muette Nova ou encore celles privilégiant la relation amour-travail du couple de singes scientifiques Cornélius-Zira. Le film prend ainsi bien son temps avant de nous dévoiler l'essentiel, il le fait en suivant de très près ses personnages, ce que démontrent les nombreux zoom et dé-zoom du film, à chaque fois que Taylor découvre quelque chose de complètement inattendu, à la fois pour lui mais aussi pour le spectateur.


Ainsi, si l'on pourra certes reprocher une certaine lenteur en début du film (les trois astronautes, une fois arrivé sur la dite "Planète des Singes" prennent bien leur temps avant de découvrir l'inattendu), on pourra aussi se laisser entraîner aisément par l'excellent montage sonore qui s'ensuit et qui confère au film un supplément de tension dans les séquences d'action (la capture des humains par les singes bien entendu mais aussi les tentatives de fuite de Taylor).


Outre son excellent montage visuel et sonore, l'interprétation est elle aussi de bonne facture. Outre Charlton Heston déjà évoqué plus haut, on retiendra aussi la très bonne prestation de Maurice Evans dans la peau (dans tous les sens du terme !) du belliqueux docteur Zaius. A la fois froid, inquiétant et lâche, le comédien arrive à faire ressortir tout le mépris que l'on peut éprouver pour cet animal qui, paradoxe ultime, se prend pour... un homme. A ses côtés, Roddy McDowall et Kim Hunter, alias le couple de singes Cornélius-Zira, sont eux aussi très bons, mention spéciale à Kim Hunter qui, en "femme" (ou femelle c'est tout comme) de caractère qui ne manque pas d'audace.


Aujourd'hui, à l'instar de "2001 : L'Odyssée de l'Espace" de Stanley Kubrick, de "Le Jour où la Terre s'arrêta" de Robert Wise ou même de "La Guerre des Etoiles" de Georges Lucas, "La Planète des Singes" de Franklin J.Schaffner demeure encore et toujours à juste titre un grand classique du cinéma de science-fiction, de par ses superbes maquillages composés par l'oscarisé John Chambers (maquillages qui confèrent aux singes du film un aspect aussi crédible qu'inquiétant), son montage parfaitement dosée dans lequel s'entremêle aisément séquences d'action/aventures et séquences plus réflexives sur la place de l'homme dans l'univers, sur son évolution et son devenir, et enfin de par sa révélation finale (un "twist" comme on dit de nos jours) des plus inattendue et pourtant, quand on réfléchit un peu, effroyablement logique !


Un classique, à voir et à revoir !

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le 19 août 2017

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