Malgré un titre sans ambiguïté, ce film d'Arthur Penn se révèlera finalement assez surprenant pour qui s'attendait, comme moi, à une longue chasse à l'homme à travers les Etats-Unis. Le film prend d'ailleurs le contre pied total de cet a priori puisqu'il plante son décor dans un ville unique dont on ne bougera quasiment pas !


Le film débute certes par la cavale de Bubber (Robert Redford) et de son complice, mais l'histoire prend ensuite le temps de nous présenter les très nombreux personnages de l'intrigue. Ne clignez pas des yeux si vous ne souhaitez pas perdre le fil du who's who de la charmante bourgade de Tarl, Texas. Enfin charmante, c'est vite dit. Ici tout appartient à Val Rogers et son rejeton, y compris le Shérif (Marlon Brando) ! Les rapports entre les habitants sont pour le moins conflictuels, chacun ayant de nombreuses casseroles à traîner, qu'il s'agisse de tromperies, de mensonges ou d'un besoin effréné de se torcher la gueule tous le samedis soirs ! L'occasion de chercher des crosses au noir qui aura l'outrecuidance de marcher sur le trottoir devant leur maison...


Mais à quel sein se vouer alors puisque cette galerie de personnages représente à peu près tout ce que la société occidentale produit de pire ? Et bien au fameux shérif en premier lieu, personnage étonnement passif durant toute l'intrigue (ne comptez pas trop sur lui pour prendre sa bagnole et pourchasser les fugitifs !) mais dont les conflits internes se révèlent vraiment passionnants. Brando livrant une performance très juste et sur le fil puisque son personnage ne dégage pas énormément de sympathie mais il est impossible de ne pas ressentir de l'empathie pour lui. Il en ira de même vis à vis d'autres personnages dont certains plus surprenants que d'autres. C'est aussi l'une des force du film : briser les stéréotypes et apporter de la nuance chez certains là où ne s'y attend pas forcément.


Au delà de ses très nombreux personnages, il faut y ajouter la ville dans son ensemble. Un peu comme Christopher Nolan l'avait fait dans son Dark Knight, l'ensemble de la population de Tarl est aussi un personnage en soi. Représentée par une galerie de soiffards avides de sensations fortes pour tromper l'ennui, ce portrait offre une image peu reluisante de l'american dream. Mais si la présence perpétuelle de cette foule de pochtrons se justifie tout au long du film, ils viennent à mon sens gâcher le climax du film puisqu'ils représentent une source de conflit externe aux personnages, les confrontant presque à une sorte de Deus ex Machina (ou de Diabolus ex Machina dans ce cas précis).


La poursuite impitoyable reste néanmoins un film captivant, très bien rythmé, brossant le portrait de personnages très intéressants et tous admirablement campés par leurs interprètes, en plus de dépeindre un pays à la dérive dont les habitants sont prêts à tout pour tromper leur ennui et leur frustration. Une véritable étude sociologique digne des romans naturalistes à la Zola. Rien que ça !

Oudouard
8
Écrit par

Créée

le 6 sept. 2019

Critique lue 201 fois

Oudouard

Écrit par

Critique lue 201 fois

D'autres avis sur La Poursuite impitoyable

La Poursuite impitoyable
guyness
8

Le (Arthur) Penn ne craint pas la critique sociale décapante

Mais, contrairement à ses homonymes franchouillards (et-tirés-par les-cheveux-de-ma-part-et-de-manière-un-poil-grossière), lui est un grand humaniste, et on sort d'un film d'Arthur (donc) regonflé...

le 31 juil. 2011

77 j'aime

11

La Poursuite impitoyable
DjeeVanCleef
9

Le jaguar avec la voix de canard.

On s'essouffle à pointer les qualités évidentes des films, on s'obstine à sortir les scalpels, souvent en vain. Comment capturer l'essence de ce qui bouleverse vraiment ? Comment emprisonner un...

le 22 oct. 2014

63 j'aime

7

La Poursuite impitoyable
Docteur_Jivago
10

Le Déclin de l'Empire Américain

La Poursuite Impitoyable se révèle tout simplement magistral de bout en bout, d'une grande puissance et dimension fascinante et indescriptible à l'image de cette longue fin qui prend aux tripes, ce...

le 4 avr. 2014

37 j'aime

4

Du même critique

Batman: White Knight
Oudouard
5

Millar a déteint sur Murphy !

C'est avec ce White Knight que je découvre Sean Murphy scénariste. Et bien quelle ne fut pas ma déception. Punk Rock Jesus vient de sacrément dégringoler dans ma liste de comics à lire ! Si je...

le 26 nov. 2019

5 j'aime

Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City
Oudouard
4

L'enfer est pavé de bonnes intentions...

Resident Evil fait partie de mon ADN. Depuis ce jour de 1997 où, âgé de 13 ans, je découvre chez un ami Resident Evil Director’s cut. Tout d’abord l’intro, totalement cheap, mais déjà totalement...

le 21 nov. 2021

3 j'aime