LA RÉGION SAUVAGE (14,7) (Amat Escalante, MEX, 2017, 99min) :


Stupéfiant conte fantastique initiatique narrant l'histoire d'un couple en crise dont leur existences vont être bouleversées par la rencontre d'une jeune femme sans attache, qui va faire découvrir une mystérieuse cabane au milieu des bois réservant bien des surprises. De retour sur nos écrans après l'exploration dérangeante des cartels avec Heli en 2013, Amat Escalante débarque cette fois sur la toile avec une histoire où la science-fiction vient compléter ses obsessions d'auscultations par le biais d'une ambiance marquante dont toutes ses œuvres ont le secret. D'entrée une magnifique scène introductive space nous indique le ton du film, il sera pour le moins étrange, arrivé sur Terre inconnue. Le réalisateur mexicain naturaliste pose d'emblée sa mise en scène pour des plans très cadrés, la plupart du temps statiques, afin de mieux dépeindre les situations et les différents conservatismes de la société et les mensonges de ces protagonistes avant que la caméra se libère des carcans comme pour mieux contrer le conservatisme décrit en multipliant les mouvements de de travellings avants aux connotations assez intimes. Le sexe s'invite très rapidement devant nos yeux de façon réaliste et cru où l'on perçoit les nombreuses frustrations qui en découlent. La réalisation atmosphérique austère distille le malaise prégnant avec maestria, bien soutenue par une musique et des sons pour le moins dissonants. Une œuvre totalement hybride où la narration parfois trop tortueuse nous déroute un peu, sans cesser de nous intriguer et de fasciner malgré tout alors que le voile se lève de façon impudique sur une créature alien aux tentacules phalliques lors de séquences déstabilisantes. La mise en scène captive de façon sensorielle et insidieusement nous pénètre Under the skin, tout en convoquant l'œuvre politique Post Tenebras Lux (2012) de son collègue Carlos Reygadas, les obsessions démonstratives de Lars Von Trier version Antichrist (2009) et le côté organique et viscéral du cinéma de Cronenberg. Ce drame social débridé s'avère au fur et à mesure du récit une plongée intrigante dans l'empire des sens et véritable exploration du plaisir féminin à l'aide d'un monstre, résonnant avec Possession (1981) d'Andrzej Żuławski. Un long métrage qui abonde en métaphores démonstratives et de séquences oniriques (notamment une scène d'orgie animale à la fois mystique et malaisante), pour dépeindre aussi bien une liberté au travers du plaisirs des corps et une mise en abyme mortifère. Eros et Thanatos sont donc naturellement, conviés au menu de ce banquet cinématographique qui manque parfois d'assaisonnements plus délicats pour que les mets nous restent plus longtemps en bouche avec saveur. Venez vous introduire dans cet univers particulier honorant le retour aux pulsions originels, pour vivre une expérience érotique singulière en glissant à l'intérieur de La Région sauvage. Sexuel. Primitif. Troublant.

seb2046
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le 27 juil. 2017

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