Le couple Kristina Grozeva et Petar Valchanov fait parvenir jusqu’à la France le cinéma bulgare. Ont précédé les appréciés The Lesson et Glory. Aujourd’hui, ils reviennent en se renouvelant avec The Father qui aborde la thématique de la perception singulière du deuil, en l’occurrence celle vécue par un père et celle de son fils.


Au premier plan, à l’enterrement d’Ivanka, son époux Vasil est dans le flou de la caméra comme les rangées de proches venus se recueillir tandis qu’au fond, on aperçoit nettement son fils Pavel, en retard à l’enterrement de sa mère. Une voix résonne, celle d’un prêtre orthodoxe qui lance le film en dictant ce sermon dont la toute première phrase annonciatrice du ton donné au film est la suivante : « Y a-t-il un plaisir sans tristesse ? » Dans cette fable, ce road-movie bancal entre un père têtu qui cherche à entrer en contact avec sa femme dans l’au-delà par tous les moyens et un fils qui tente de le ramener à la raison et à la maison, les situations cocasses, à la fois douces et amères, s’infiltrent dans les brèches des moments de détresse. Sur ce chemin semé d’embûches, les réalisateurs maîtrisent un scénario composé d’arcs narratifs qui se lient les uns les autres sans forcer le trait, semblables à la pectine de la confiture de coings. Corneliu Porumboiu, réalisateur roumain, disait au micro de France Culture que « tous ses films ont un côté comique noir. L’absurde c’est propre au Roumain. » Dans ce cas, n’oublions pas que la Bulgarie est un pays limitrophe à la Roumanie et que les frontières semblent plus troubles qu’elles n’y paraissent. Ici, les réalisateurs abordent frontalement la question de la perte d’un être cher par l’entremisse de l’absurdité, des non-dits et des mal-dits. La deuxième phrase énoncée par le religieux durant l’enterrement est la suivante : « Tout est moins ferme que l’ombre, plus trompeur que les rêves. » Annonciatrice aussi ?


Comme cette caméra à l’épaule, les espoirs et les rêves vacillent tandis que le film s’élève nettement comme lors de certaines chevauchées, celle par exemple où les personnages fragiles prennent le large dans une charrette remplie de potirons. Et vous, que préférez-vous : confiture de coings ou de potirons ? The Father est une comédie dramatique aux notes douces parsemées d’acidité.

thomaspouteau
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le 26 mars 2020

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