[Cette notule contient quelques révélations à propos de l'intrigue. Message aux effrayés.]
Astuce de narration similaire à celle du Freaks de Tod Browning : le fil entamé au début est rapidement interrompu par un autre (ici, récit fantasmé, potentiel ou alternatif) qui occupe en fait la quasi totalité du temps du film, avant un retour au fil initial, et qui donne une fin aussi comique et maladroite que pour Freaks.
Une riche famille se retrouve dépassée les tâches requises pour la bonne tenue de sa nouvelle maison à deux étages et fait appel à une servante. Celle-là, en plus de son espièglerie, s'amourache vite de l'époux et le pousse à la tromperie, sa femme absente pour les derniers temps d'une troisième grossesse. Le bal de la manipulation est alors ouvert, et tragique.
Il est intéressant de voir ce film à l'aune du Parasite de Bong Joon-Ho et de la Cérémonie de Claude Chabrol, qui en sont tous deux les descendants directs. Le jeu des comparaisons est passionnant. Ici par exemple, contrairement à Parasite, ce sont les pauvres qui sont accablés. On les montre en effet particulièrement oisives, ces ouvrières (!), et obnubilées par leurs désirs amoureux et sexuels, dont la satisfaction paraît impérieuse et ne connaît pas d'obstacle pérenne. A l'inverse, les riches se tuent au travail et dialoguent sans cesse avec l'exact respect des codes moraux, jusqu'à éprouver des contritions obsédantes.
On retrouve un bipartisme assez manichéen : d'un côté, les pauvres ouvrières aux mœurs dissolues, de l'autre, les bourgeois bien droits dans leurs bottes, fiers de leurs sous et grands modèles de moralité. Le mari pourtant finit par céder aux manipulations de la servante, et la descente aux enfers se fait sostenuto. La coucherie d'un soir devient la faille par laquelle le chaos s'incruste et élit bientôt domicile. Mais si le film prend plutôt le parti des riches, il n'oublie pas, sous certains aspects, de faire leur procès. Ainsi, le ridicule de ces bourgeois, leur aliénation, explose au moment du meurtre du fils, commis par la servante. Ils préfèrent alors taire le drame - deux minutes après les faits - de peur que le mari ne perde son poste de professeur si l'affaire d'adultère, que la servante menace à tout bout de champ de révéler, s'ébruitait...! Derrière la morale de bonne famille, c'est la condition, l'argent qui règnent en maître et affament ceux qui courent après autant que ceux qui les ont.
Il y a une forme de démesure (dans les événements) qui ne fonctionne pas, couplée au hiératisme hitchcockien de la mise en scène (qui s'oppose au baroque décomplexé de Parasite) et au jeu sensiblement figé des acteurs (mais des décennies et des kilomètres en nombre nous séparent, alors...). La fin donc,est tellement dommage (mais là aussi, peut-être conditionnée par les circonstances politiques et culturelles de la Corée du Sud de la toute fin des années cinquante...?). C'est une pirouette en forme de blague : tout cela n'était qu'une réclame promouvant la bonne conduite et mettant en garde contre les répercussions et dangers de l'adultère. En substance : messieurs les bourgeois, ne couchez pas avec votre bonne ! Mais le film dans son entièreté est parcouru de discours moralisateurs.
Le plus grand intérêt tient dans la comparaison avec le Chabrol et le Bong Joon-Ho, il me semble.