Adèle est une lycéenne on ne peut plus ordinaire : d’une famille modeste lilloise, elle a sa bande d’amies avec lesquelles les conversations tournent autour des premiers amours et des premières fois. Ado, elle ressent un malaise existentiel dans sa relation avec Thomas.


Quand elle accompagne un ami dans des bars gays, elle fait la rencontre d’Emma, étudiante aux Beaux-Arts couronnée de cheveux bleus. Une révélation et un coup de foudre partagé. Emma lui fera découvrir les plaisirs charnels qu’Adèle goûtera avidement.


Le film donne une large place à l’attrait et la passion sexuels, incarnés par Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux. La sensualité féminine trouve sa plus forte représentation dans le personnage d’Adèle, que la caméra croque à l’envi : sa bouche entrouverte quand elle dort, ses joues charnues, sa masse de cheveux rebelles. Sa gourmandise pour le corps féminin est à peu près égale à son appétit pour les sucreries qu’elle cache sous son lit ou les pâtes bolognaises de son père, qu’elle engloutit.


Les critiques divergent sur les scènes de sexe entre Adèle et Emma. Certes elles sont crues, longues et bruyantes. Mais elles servent une visée du film : la "détabouisation" ou la normalisation de l’amour entre femmes, qui n’avait jamais été montré avec si peu de filtre sur les écrans.


Au-delà de la relation sexuelle entre Adèle et Emma, il y a pourtant bien une réflexion sur le couple et sur l’épanouissement personnel des partenaires, leur indépendance vis-à-vis de l’autre. Adèle, devenue aide maternelle puis institutrice, est celle qui cuisine, fait la vaisselle et attend le retour d’Emma. Celle-ci laissera certes le bleu de ses cheveux derrière elle, mais ne cessera pas d’être une artiste décomplexée, émancipée, libertaire sans être libertine.


Au-delà de leur interdépendance personnelle, deux mondes les séparent pourtant, qui font de leur amour une chose soit absolue et enviable, soit une déviance inavouable. Le premier monde est peuplé d’artistes, de doctorants sur la morbidité dans l’œuvre d’Egon Schiele, où l’amour est un sujet de débat philosophique.
Le second, hétéro-normé, est la suite logique de la socialisation dominante, celle d’Adèle aussi, un monde qui semble simple mais insipide.


Un film gourmand, qui ose et nous expose à une relation entre une artiste et sa muse, sans filtre. Un film pornographique, dans le sens d’un cinéma révélateur d’interdits, comme expliqué par Hélène Frappat dans l’émission des Chemins de la Philosophie consacrée au jeu de Michel Piccoli dans Le Mépris : « Voir un film c’est toujours regarder par le trou de la serrure une image qui en soi est interdite, c’est dans ce sens-là que je parle de cinéma pornographique ».

Nuwanda_dps
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le 16 juin 2020

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Emilie Rosier

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