Oui, bon, d'accord, avec un titre pareil, je le concède, je prends parti pour la facilité. Mais après tout, n'est-ce pas Kechiche qui a pris parti pour la facilité en tombant dans cette trivialité ? Ce serait encore plus facile, justement, de défendre ce sous-entendu digne des langues les plus vaseuses, en ne le justifiant que par le second degré.

C'est un détail, certes. Je ne vais pas me justifier, je n'ai pas aimé ce film. Je hais la prétention quand elle est maquillée en modestie. Non, ce film n'est pas modeste. Tout son propos s'appuie sur une lutte des classes puante. Kechiche, c'est le nouveau bar trop cool du 10ème, où on peut s'encanailler avec le peuple, ah ouais, trop classe ! Ouais, Kechiche, c'est du bobo qui fait très mal. Très très mal.

On parle art comme s'il fallait en parler. On teint des cheveux en bleu comme s'il fallait jaillir de la masse. On mentionne Marivaux comme si la littérature permettait de magnifier un pâle et caricatural coup de foudre. Et bien non, si l'épiphanie est recherchée, on s'en étouffe avec la fève.

La (très longue) Vie d'Adèle, pour moi - parce qu'il faut faire bon genre - c'est une succession séquentielle mal maîtrisée. Du début à la fin, ce dénuement recherché ne fait que rendre immatériel le plaisir que l'on pourrait ressentir. La temporalité est absolument obscure, en dépit d'un film qui dure une éternité. L'équilibre, ah, l'équilibre...

Léa Seydoux, ma petite, je n'ai rien contre ta filiation. Je me fiche de ces étiquettes. La seule chose que je peux te dire, c'est que tu tapes très bien les fesses, oui oui, les scènes de sexe sont - pour la majorité - réussies.
Je te trouve aussi crédible que les huîtres que tu gobes, et s'il fallait te "déguiser" en lesbienne pour que le spectateur y croit, je pense que l'on est tombés bien bas.

***Spoiler/on***

La scène de la rupture est catastrophique. Les ficelles sont grosses, très grosses... Tu déclames mais il n'y a pas de scène de théâtre, je suis désolé...

***Spoiler/off***

Il y a un tas de sujets qui me révoltent. Mais puisque le sujet central tourne autour de l'homosexualité féminine et par bribes, masculine, parlons-en. Le message se veut tolérant ? Pour moi - soyons encore subjectifs, oh oui - c'est une illusion, à tel point que l'effet inverse se produit. Je m'explique. Adèle reste cachée d'abord vis-à-vis de ses amis au lycée, puis face à ses parents, enfin, dans son cercle professionnel. Ok, on peut donc dire qu'il n'y a aucune réalisation affichée de son bonheur ? En effet. Continuons. Sa copine, Emma est censée "faire" lesbienne : c'est pas moi qui le dis, c'est dans les dialogues. Adèle est plus commune. Donc ?

***Spoiler/on***

Elle trompe Emma avec un mec. Logique, elle peut tellement pas s'assumer qu'elle devient tout à coup, par convenance, bisexuelle...

*** Spoiler/off***

Ensuite. Un gay au lycée qui s'affiche aux yeux de tous ? Aucun problème. Une lesbienne qui est soupçonnée ? Oh mon dieu, hérésie, une "brouteuse". Sérieusement, Kechiche ?... Où tu es allé pécher ça ?

Ne parlons pas non plus des parents respectifs d'Emma et d'Adèle... Ça doit être drôle ? Tout simplement pathétique. Selon les premiers, on sent bien qu'instit c'est un peu un métier pourri où on est malheureux. Selon les seconds, pour être artiste, faut avoir un gentil mari qui fait du commerce. Second degré encore, peut-être ? Désolé, mais non, ça ne passe pas cette excuse. Car au fond, on se sert de la déformation par le second degré pour faire accepter un message qui, lui, est bien du premier degré.

Bien sûr, on s'attache à faire de l'esthétique chiadée. Il a bien compris que les spectateurs aiment de plus en plus les plans fixes et les silences. Et bim, on filme de la morve, de la bave, des traces de bolognaise sur les lèvres. Vraiment ? Il faut en arriver à faire une typologie des aspérités physiques pour faire comprendre au spectateur que le charme est par définition imparfait ?

Je suis assez révolté. Comme pour Entre les murs, je ne comprends pas qu'un tel film aussi consensuel et faussement tolérant - puisqu'il ne peut que desservir la cause affichée - récolte une Palme d'or.

Je pense sincèrement que ce film entre dans une mode plutôt que dans une conception artistique.

Du bobo, des bobos, un peu des prolos, un peu d'art pour faire branchouille, beaucoup de cul pour brancher, un peu de bleu sur les cheveux pour faire rebelle, quelques blagues consensuelles pour une bonne identification de masse, quelques larmes pour le quota, et une forme arborant 3h démesurées pour bien finir de dire que, "voilà, ça, c'est mon film, et il est différent". Si tu ne l'avais pas autant affiché Kechiche, il l'aurait peut-être été, différent.
Jyuuu
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le 15 oct. 2013

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