La Vie d’Adèle chapitre 1 et 2 s’annonçait au départ comme la punition du festival de Cannes : du Kechiche pendant 3 heures, avec un titre déjà soporifique et une actrice inconnue au bataillon, projeté dans la dernière ligne droite du festival de Cannes c’est-à-dire au moment où la patience devient un combat personnel de chaque instant et la tolérance une qualité qui n’appartient qu’aux autres…


Bref, comme de nombreux festivaliers, j’y allais donc à reculons, d’autant que j’avais détesté La Venus Noire, son précédent film. Eh bien j’ai été happée. Immédiatement, et jusqu’à la fin. A côté des quatre-vingt-dix minutes à rallonge de Only God Forgives, ou du dernier Jarmusch qui paraît aussi long que la vie éternelle des vampires dont il est question dans le film, eh bien finalement, les trois heures de Kechiche c’est frais, c’est beau, c’est fort, c’est cadeau.


Pour autant, je n’imaginais pas une adhésion aussi unanime de la part des festivaliers pour cette œuvre : lorsque je suis sortie, j’osais à peine dire que j’avais aimé car certains détails m’avaient tout de même exaspérée. Et pourtant, le film m’avait conquise. J’en concluais donc que j’avais dû perdre ma lucidité quelques instants et m’attendais à retrouver mes esprits et ma capacité d’analyse rapidement. Mais non. Comme la plupart des spectateurs, j’ai crié la beauté d’Adèle sur tous les toits. Alors question : La Vie d’Adèle… Hallucination collective ou chef d’œuvre ?


A dire vrai, La Vie d’Adèle est loin d’être un très grand film et il risque de souffrir de tant d’éloges. Adèle est un film fleuve, avec un côté un peu trop. Trop de scènes de repas avalés goulument, trop de sauce bolognaise au coin des lèvres, trop de larmes et de morve, trop de métaphores peu subtiles et de représentations schématiques, trop de scènes de sexe – enfin surtout si longues et froides qu’elles interrogent : pourquoi ce parti pris, quel intérêt ? D’ailleurs les spectateurs du palais des festivals ont ri nerveusement et applaudi à la fin de la première scène du genre, donnant ainsi une bouffée d’air frais à la salle, sorte de pause bienvenue dans un film dense et étouffant.


Car avec La Vie d’Adèle, Kechiche prend son spectateur en otage. Dans un premier temps, le réalisateur met tout en place pour forcer l’empathie du spectateur. Plans serrés, absence de décor, peu de personnages secondaires, une seule intrigue. Il pointe du doigt son personnage après l’avoir brièvement présenté dans son contexte, s’affranchit finalement assez vite du thème de la découverte de sa propre homosexualité, puis plante le décor de ce qui sera le vrai sujet du film : la passion amoureuse.


Et une fois son spectateur happé, Kechiche lui rend sa liberté en ouvrant plusieurs voies. Il est alors question de la construction de soi, de choix, de destin, de vocation et de filiation…, des thèmes forts, qui renvoient le spectateur à lui-même. La Vie d’Adèle convoque l’empathie et la sensibilité pour donner à vivre à chacun une expérience personnelle, au contact du film.
Autrement dit, La Vie d’Adèle, c’est la vie, tout simplement.


Edwige_Henry
8
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Créée

le 25 août 2015

Critique lue 204 fois

Kimekie Duke

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