Après avoir vu La guerre est déclarée de Valérie Donzelli, je suis pris du malaise qui ne m'a quitté depuis les premiers plans de ce film médiocre. Nous en sommes arrivé à ce tel degré d'académisme-soupe populaire pour bourgeois arriéré, immature et grégaire qu'il faut se poser une question, celle que le film ne pose pas pour tomber dans les bons sentiments, les bonnes intentions et la joliesse qui va avec : l'amour est-il photogénique? Question pour le moins arriérée j'en conviens mais qui vaut mieux que le Rien irrigué par ce film-clip de bonne volonté. La réponse est non. Mais la guerre oui, ce que montre péniblement ce film. Enchainements de musique à la rythmique binaire ou aux mélodies doucereuses, effets de rupture et pleurnicheries pathétiques en constituent à eux seuls la bande image et la bande son, ce qui procure à l'ensemble sa vitalité nauséabonde. A toute vitesse la jeunesse n'a jamais autant fait la fête que lorsqu'elle profite de l'impunité que lui permet la maladie de leur jeune enfant aux yeux des autres, l'enfant de ce couple jeune, personnages principaux du film. A toute vitesse ce ménage - Ce manège insipide fait d'aller-retour entre l'hôpital (lieu peu divertissant quoique) et les copains (très divertissants quoique).


Le film crée une honte, celle d'être jeune. Décrivons nos deux tourtereaux : lui est un minet au visage duveté, pantalon serré et jacket, cheveux gras décoiffés qui lui rentrent dans les oreilles. Elle est insipide, brune avec de temps en temps une queue de cheval mais toujours des narines proéminentes.
Tout au long de ce film long, ils fumeront et enfumeront l'espace environnant dans une immersion sonore régressive. (Sauf à l'hôpital) On ne peut s'empêcher de voir dans ces cigarettes aux bouches des tétines jetables.


Ils sont en déménagement-réaménagement sans ménagement, ce qui implique une solidarité de l'entourage, ce qui ne change pas malheureusement le mobilier sans âme, le clic-clac et tout le tralala. Dans la tourmente, un proche leur fait cadeau d'un porte-bonheur venu de Chine, attrape-nigaud sans doute, mais qui leur fait tant plaisir et espérer. Fait rare, les deux jeunes commenceront de prier et s'interrompront net , trouvant que cela fait pitié.


Trois passages nous terrassent d'un malaise : le premier où Roméo apprend par téléphone que son bébé a une tumeur au cerveau (le film tourne autour de ce centre névralgique, centre d'un manège pathétique) Il hurle, réveille tout Montmartre et casse tout autour de lui : il n'a que sa bouteille de bière à envoyer contre la porte d'un garage. (Le jeune est impulsif et spontané, s'emporte toujours ; son hurlement est proportionnel à sa souffrance, sinon ce ne serait pas un jeune, il ne se ferait pas remarquer en tant que juvénile)


Deuxième passage terrifiant : Juliette à l'hôpital, alors que la porte de la salle d'opération se referme devant elle, court à toute vitesse dans les couloirs puis s'évanouit soudainement comme un chaton. Heureusement qu'elle n'a pas blessé un membre de personnel ou pire, un patient au détour d'une porte. Miracle du cinéma.


Troisième passage terrifiant où le couple s'échappe de l'hôpital de Marseille avec le bébé cancéreux, bravant le règlement qui les contraignait tant. (Le jeune est agité, ne tient en place, c'est bien connu) Où fuient-ils? au bord de la mer, bien sûr, là où le film reviendra pour son happy end. Plage de bonheur, plage sonore, plage visuelle, écran total.


Un fleuve de questions traverse le spectateur que je suis : quel est le travail de ces deux jeunes horriblement sympathiques et dynamiques? Comment font-ils pour payer une baby-sitter? L'hôpital n'est-il que cette attraction remboursée par la sécurité sociale pour éternels vacanciers? Comment Roméo va-t-il pallier à son découvert bancaire dont on nous apprend qu'ils s'élève à environ 4000 euros? Comment vont les systèmes nerveux des parents du couple? Après que leur enfant ait eu ce cancer, auront-ils encore envie d'aller à la fête foraine et dans les concerts-boîte de nuit où ils se sont rencontrés? Un instant, on se prend au piège de cette insatisfaction de la fiction. On écrit un texte rageur sur la représentation de la jeunesse que propose cette désuétude. Et puis on se rassure : cela ne nous regarde pas. Cela n'est qu'une représentation qui ne nous représente pas. A deux reprises, au dialogue de ce film fait de précipitations, Roméo répète avec entrain ces quelques mots : "On va trouver un truc à bouffer?". Merci, ce sera sans moi.

laurent-le-bon
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le 6 juil. 2017

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